Procédure devant la cour
Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces, enregistrés le 17 décembre 2019 et le 2 et 17 mars 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en examinant sa demande au regard de l'article 10-1 (a) de l'accord franco-tunisien le préfet a commis une erreur de droit ;
- le préfet a omis d'examiner sa demande au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'accès effectif aux soins dans son pays d'origine, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale;
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation particulière ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la fixation du pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés le requérant n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre1950 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 13 avril 1987, serait entré en France, selon ses déclarations, durant l'année 2017. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son mariage avec une ressortissante française le 2 juin 2018. Il a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai édictée le 12 octobre 2018 par le préfet de l'Ardèche. Par un arrêté du 3 avril 2019, le préfet des Vosges a refusé sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle du requérant. Par suite, ce moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° à l'étranger (...), marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont retenu les premiers juges, le préfet des Vosges a d'abord examiné la situation du requérant au regard des dispositions de l'article 10 précité de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 avant de conclure qu'il ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir un titre de séjour sur ce fondement, à défaut d'être entré régulièrement en France en l'absence de visa de long séjour apposé sur son passeport en cours de validité. C'est dans un second temps que l'autorité préfectorale a examiné, à bon droit, la demande de M. C... au regard des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de lui opposer un refus de titre de séjour, sur le fondement de ces dispositions, au motif que la communauté de vie avec son épouse n'était pas établie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en faisant application des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) " et aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement, selon ses déclarations, en 2017. Lorsqu'il a présenté sa demande de titre de séjour, il était marié depuis moins de six mois avec Mme E..., ressortissante française. Or, comme l'indique le préfet des Vosges en défense, le requérant ne produit aucun élément probant de nature à justifier la réalité d'une communauté de vie avec Mme E... alors qu'ont été relevées de nombreuses incohérences et déclarations contradictoires concernant les adresses de domiciliation où lui-même et le couple auraient vécu après leur mariage. Il est par ailleurs constant que M. C... n'a pas d'enfant en France et que ses parents résident toujours en Tunisie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Enfin, l'intéressé ne justifie d'aucune intégration particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 3, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été édictée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'annulation de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. Pour prendre la décision en litige, le préfet a relevé que le requérant était entré irrégulièrement en France et s'y était maintenu en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de l'Ardèche le 12 octobre 2018. Il a également précisé que si l'intéressé s'est marié avec une ressortissante française, il n'établit pas la communauté de vie alléguée et que ses liens personnels et familiaux en France, au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, ne sont pas tels qu'une interdiction de retour sur le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette interdiction. Pour ces raisons et celles mentionnées au point 3 du présent arrêt, le préfet des Vosges, qui a pris le soin d'examiner si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé des mesures en litige, n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour, de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de renvoi qui lui ont été opposées. Dès lors, les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État n'étant pas partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
N°19NC03629 2