Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, sous le n°19NC03745, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour le temps de cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement n'a pas répondu à tous les moyens soulevés ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019, sous le n°19NC03746, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour le temps de cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement n'a pas répondu à tous les moyens soulevés ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 novembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants albanais, sont entrés en France selon leurs dires le 24 mai 2017, accompagnés de leur enfant mineur. Ils ont respectivement présenté une demande tendant au bénéfice du statut de réfugié qui a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par courrier reçu le 30 avril 2018 par les services préfectoraux de la Moselle, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et son époux a demandé son admission au séjour en qualité d'accompagnant d'une personne malade. Par deux arrêtés du 28 février 2019, le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme B... font chacun appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu aux moyens dont il était saisi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :
3. En premier lieu, les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elles visent les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à leur situation personnelle, rappellent le parcours des intéressés depuis leur arrivée en France, leur situation administrative et la situation médicale de Mme B.... Dès lors, le préfet, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments caractérisant la situation des intéressés et qui a procédé à l'examen particulier de leurs situations respectives, a suffisamment motivé ses décisions. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et d'un prétendu défaut d'examen ne peuvent qu'être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. et Mme B... sont, selon leurs déclarations, entrés sur le territoire français le 24 mai 2017, soit depuis moins de deux ans à la date des décisions attaquées. S'il se prévalent de l'état de santé de Mme B..., il ressort des pièces du dossier que dans un avis du 22 novembre 2018, les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Par les trois certificats médicaux produits, rédigés dans des termes généraux, les requérants n'établissent pas que Mme B... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement et d'un suivi adaptés dans son pays d'origine. Par ailleurs, les requérants ne justifient d'aucune intégration sociale en France et se bornent à préciser que l'un de leurs deux enfants est né en France et ne connait pas l'Albanie. Enfin, M. et Mme B... n'établissent pas être dépourvus d'attaches dans leurs pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi par les décisions attaquées. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.
6. En troisième lieu, contrairement à ce que font valoir M. et Mme B..., l'état de santé de Mme B... et la minorité de leurs deux enfants ne sauraient être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Si M. et Mme B... soutiennent que leurs deux enfants, dont l'un est né en France, ont pour référence culturelle et sociale la culture française, ils n'invoquent aucun élément s'opposant à ce que leurs enfants, qui ont vocation à les suivre dans leur pays d'origine, y poursuivent leur scolarité et s'intègrent en Albanie. Ainsi, et eu égard notamment à ce qui a été dit au point 5, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, lorsqu'un refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de motivation spécifique. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4, les décisions portant refus de titre de séjour comportent l'énoncé des éléments de fait et de droit sur lesquels s'est fondé le préfet pour prendre ses décisions. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui vise leur fondement légal, doit être écarté.
10. Les refus de titres n'étant pas entachés d'illégalité, le moyen tiré de l'annulation des mesures d'éloignement par voie de conséquence de l'annulation des refus de titre de séjour ne peut être qu'écarté.
11. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 8 du présent arrêt, le préfet de la Moselle n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en prenant à l'encontre de chaque requérant une décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
12. Les arrêtés attaqués rappellent que M. et Mme B... sont de nationalité albanaise et qu'ils n'ont pas justifié être exposés à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays. Les arrêtés sont par conséquent suffisamment motivés en tant qu'ils fixent le pays de destination.
13. Les refus de titres de séjour n'étant pas entachés d'illégalité, le moyen tiré de l'annulation des décisions fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation des refus de titre de séjour ne peut être qu'écarté.
14. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 5 et 8 du présent arrêt, le préfet de la Moselle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en prenant à l'encontre de M. et Mme B... une décision fixant le pays de destination.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 19NC03745, 19NC03746 2