Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 2 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a été victime de violences conjugales physiques et verbales dès son arrivée en France, comme l'atteste la plainte déposée le 1er décembre 2017 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas exceptionnellement au séjour dès lors que d'une part, elle travaillait depuis le 7 décembre 2018 en qualité d'agent d'entretien dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée qui a pris fin en raison de la mesure d'éloignement litigieuse et que d'autre part, elle est parfaitement intégrée en France où elle a fixé le centre de ses attaches privées et familiales et où elle a réalisé de nombreuses formations dont le contrat d'intégration républicaine ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 15 juillet 1994, de nationalité tunisienne, est entrée en France le 10 novembre 2017 munie d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable jusqu'au 30 octobre 2018. Le 1er septembre 2018, la requérante a sollicité le changement de son statut en invoquant les violences conjugales dont elle aurait été victime de la part de son époux. Par un arrêté du 2 juillet 2019, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 juillet 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L.313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale".".
3. Il est constant que Mme D... s'est mariée le 17 septembre 2016 à Bizerte, en Tunisie, avec un ressortissant franco-tunisien. Comme indiqué au point 1, elle est entrée régulièrement en France le 10 novembre 2017 afin de rejoindre ce dernier à Antibes. Elle soutient que dès son arrivée en France, elle aurait été victime de violences verbales et physiques de la part de son époux, ce qui l'aurait obligée à quitter le domicile conjugal dès le 29 novembre 2017. Elle affirme s'être ensuite rendue à Metz, où elle a déposé plainte au commissariat le 1er décembre suivant afin de dénoncer les trois épisodes de violences qu'elle aurait subis entre le 15 et le 29 novembre 2017. Elle fait également valoir que le 6 décembre 2017, elle a été examinée par un médecin de l'unité de consultation médico-judiciaire de Metz-Thionville, qui, après avoir relevé de nombreuses lésions compatibles avec ses déclarations, lui a prescrit deux jours d'incapacité totale de travail (ITT).
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges et comme l'avait indiqué le préfet dans l'arrêté attaqué, la requérante ne justifie pas des suites qui ont été données par l'autorité judiciaire à la plainte précitée du 1er décembre 2017. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'à la date de la décision attaquée, elle avait quitté le domicile conjugal depuis presque deux ans et que les faits de violences qu'elle allègue, qui ne sont établis par une aucune décision judiciaire, n'ont pas perduré depuis son départ du domicile conjugal le 29 novembre 2017. En outre, à la suite d'une requête en divorce déposée par son époux le 24 avril 2018, la juge aux affaires familiales de Grasse a rendu une ordonnance de non-conciliation le 29 novembre 2018 dans laquelle il n'est aucunement fait mention des violences conjugales alléguées par la requérante. Enfin, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la seule production du certificat médical du 6 décembre 2017, relevant de nombreuses blessures et ecchymoses sur l'intéressée et lui prescrivant 2 jours d'ITT, ne saurait être regardé, en tant que tel, comme étant de nature à justifier la réalité des violences conjugales qu'elle invoque. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L.313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui."
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la requérante ne résidait sur le territoire français que depuis deux ans. Mme D... se prévaut de son insertion dans la société française résultant d'une part, de ses efforts d'intégration, notamment du suivi de plusieurs formations dont le contrat d'intégration républicaine, et d'autre part, du fait qu'elle travaillait en qualité d'agent d'entretien dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, interrompu en raison de la mesure d'éloignement en litige. Toutefois, par les documents qu'elle produit, consistant notamment en des bulletins de salaire, des contrats de travail et des attestations de stage, la requérante n'établit pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts moraux et familiaux alors qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans dans son pays d'origine, la Tunisie, où résident encore ses parents et ses frères et soeurs. Enfin, la requérante n'établit pas ni même n'allègue avoir développé des liens amicaux ou familiaux sur le territoire français, alors qu'elle ne conteste pas être toujours en instance de divorce. Ainsi, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressée en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
7. En troisième lieu, la requérante, qui soutient qu'elle aurait dû être admise au séjour pour des raisons exceptionnelles, doit être regardée comme se prévalant des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait sollicité son admission au séjour sur ce fondement. Par suite, elle ne saurait utilement soutenir que, par la décision contestée, le préfet a méconnu les dispositions de cet article. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté comme inopérant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 20NC01038 2