Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er avril, 14 décembre 2020, et 11 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 8 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'un et l'autre cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il peut se prévaloir des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 2001 et de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 24 août 2017. Le 31 janvier 2018, il a été pris en charge en qualité de mineur isolé par l'aide sociale à l'enfance de Haute-Saône. Le 13 juillet 2018, M. B... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 8 octobre 2019, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 8 octobre 2019.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Haute-Saône, après avoir constaté que l'intéressé a été confié à l'aide sociale à l'enfance, que l'avis des référents du foyer de jeunes travailleurs où est accueilli l'intéressé était favorable et qu'il justifiait suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle qualifiante, a retenu un motif tiré de l'existence de liens familiaux dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., désormais majeur, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance après son entrée en France en tant que mineur isolé alors qu'il n'avait pas encore 17 ans. Il a intégré le dispositif d'accompagnement à la qualification et l'insertion professionnelle (DAQIP) du lycée Luxembourg de Vesoul le 19 mars 2018. Le 3 septembre 2018, il a commencé une formation d'apprentissage en baccalauréat professionnel et a signé un contrat d'apprentissage avec la société Enedis. Il a par ailleurs validé le diplôme d'études en langue française (DELF B1) le 9 juillet 2018. Le requérant fait preuve de sérieux dans le suivi de cette formation comme en attestent ses bulletins de note et les appréciations de ses professeurs. Par ailleurs, le rapport éducatif du 10 avril 2019 rédigé par le foyer de jeunes travailleurs qui héberge M. B... depuis le 20 août 2018 mentionne les efforts de l'intéressé pour s'insérer socialement, professionnellement et culturellement. Si M. B... a mentionné dans sa demande de titre de séjour que ses parents étaient en Albanie, le préfet, en se bornant à opposer la présence de membres de sa famille, n'a pas précisé la nature des liens de l'intéressé avec sa famille restée dans son pays d'origine, notamment avec ses parents ou l'oncle qui l'a hébergé durant plusieurs années avant son arrivée en France. Dans les circonstances particulières de l'espèce, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Saône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre de séjour prise à son encontre est ainsi entachée d'illégalité et doit être annulée. Les décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français avec délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède , sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu et à l'évolution de la situation de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la demande de titre de séjour de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 et l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 8 octobre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Saône de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de la Haute-Saône.
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N° 20NC00854