Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 mars 2020, le 2 avril et le 27 juillet 2020 et le 19 mars 2021, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Besançon du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 18 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet du Doubs de lui délivrer un document de voyage dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet du Doubs, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d'un mois suivant la notification d'un arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 753-2 et L. 753-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'agent ayant procédé à la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires n'était pas compétent en violation de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- le préfet a enfreint le principe de la présomption d'innocence posé à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- les faits invoqués par le préfet sont partiellement antérieurs à la délivrance du premier document de voyage ;
- le troisième fait invoqué par le préfet n'est pas d'une gravité suffisante pour valablement porter atteinte au principe de libre circulation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant de nationalité kosovare né le 21 mai 1991, entré en France le 30 juillet 2003 alors qu'il était mineur, s'est vu reconnaître le statut de réfugié par une décision du l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 1er juillet 2008. Il a bénéficié d'un premier titre de voyage valable du 26 mai 2015 au 25 juillet 2017. Par une décision du 18 juin 2018, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de titre de voyage présentée le 15 mai 2018. M. C... relève appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Aux termes de l'article L. 753-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent, l'étranger titulaire d'un titre de séjour en cours de validité auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application de l'article L. 711-1 et qui se trouve toujours sous la protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut se voir délivrer un document de voyage dénommé " titre de voyage pour réfugié " l'autorisant à voyager hors du territoire français. Ce titre permet à son titulaire de demander à se rendre dans tous les Etats, à l'exclusion de celui ou de ceux vis-à-vis desquels ses craintes de persécution ont été reconnues comme fondées en application du même article L. 711-1. ". Aux termes de l'article L. 753-5 du même code : " Le document de voyage mentionné aux articles L. 753-1, L. 753-2 ou L. 753-3 peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu'il apparaît, postérieurement à sa délivrance, que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public le justifient ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié d'un titre de voyage par décision du préfet du Doubs en date du 26 mai 2015, édictée sur le fondement des dispositions de l'article L. 753-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour fonder la décision de refus de renouvellement de ce titre de voyage, le préfet du Doubs a retenu des faits de viol et de violences habituelles suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, commis dans les deux cas sur son ex-conjointe avec laquelle il était lié par un pacte civil de solidarité du 1er septembre 2013 au 30 décembre 2014, ainsi que des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, commis le 3 mai 2017, dont il n'est pas contesté par le préfet qu'ils n'ont donné lieu à aucune poursuite effective ni à des condamnations pénales. Dans ces conditions, ces faits ne sauraient être regardés comme constitutifs de raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 753-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par conséquent, en refusant le renouvellement du titre de voyage sollicité par M. C..., le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 753-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de son titre de voyage.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Compte tenu des motifs du présent arrêt, l'annulation de la décision du 18 juin, implique nécessairement la délivrance à M. C... d'un titre de voyage pour réfugié. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur frais d'instance :
6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de Me A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 18 juin 2018 par laquelle le préfet du Doubs a refusé à M. C... le renouvellement de son titre d'identité et de voyage est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. C... un titre de voyage pour réfugié dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Article 3 : L'État versera à Me A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC00683 2