Procédure devant la cour :
I.) Par une requête enregistrée le 14 mai 2020, sous le numéro 20NC01111, M. A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ; à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour : repose sur une erreur de droit, le préfet s'étant cru lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ; procède d'une appréciation erronée de l'état de santé de sa fille mineure qui ne pourra bénéficier d'un traitement adapté de sa surdité en cas de retour en Albanie ; a été prise en violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant compte tenu de l'impossibilité d'accéder aux soins et de ce que l'enfant C... a pour langue maternelle le français et ne pourra acquérir la maîtrise de l'albanais ; procède d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale compte tenu de son intégration dans la société française et viole à ce titre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire : viole le 10° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peut être invoqué lorsque l'état de santé de l'enfant mineur de l'étranger est en cause ;
- la décision fixant le pays de destination : viole les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte de la vendetta dont il fait l'objet en Albanie.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
II.) Par une requête enregistrée le 14 mai 2020, sous le numéro 20NC01112, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ; à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour : repose sur une erreur de droit, le préfet s'étant cru lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ; procède d'une appréciation erronée de l'état de santé de sa fille mineure qui ne pourra bénéficier d'un traitement adapté de sa surdité en cas de retour en Albanie ; a été prise en violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant compte tenu de l'impossibilité d'accéder aux soins et de ce que l'enfant C... a pour langue maternelle le français et ne pourra acquérir la maîtrise de l'albanais ; procède d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale compte tenu de son intégration dans la société française et viole à ce titre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire : viole le 10° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peut être invoqué lorsque l'état de santé de l'enfant mineur de l'étranger est en cause ;
- la décision fixant le pays de destination : viole les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte de la vendetta dont il fait l'objet en Albanie.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants albanais nés respectivement les 25 mars 1989 et 16 juin 1986, sont arrivés en France le 29 juillet 2017. Ils ont présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile. Le 4 octobre 2018, ils ont sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de leur fille aînée C.... Au mois de janvier 2019, ils ont obtenu cette autorisation provisoire de séjour qui a été renouvelée jusqu'au 16 octobre 2019. Par deux arrêtés du 7 octobre 2019, le préfet du Jura a refusé le renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour, qu'il a également retirée, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés du 7 octobre 2019 :
2. Il ressort des pièces des dossiers et en particulier d'un certificat médical établi le 17 mai 2019 par un médecin oto-rhino-laryngologue, qu'C... A..., née en 2012, souffre de surdité de perception bilatérale moyenne appareillée. La pathologie d'C... ayant été diagnostiquée en France, l'appareillage tardif de cette dernière a induit un retard dans la parole et le langage. Elle bénéficie d'une audio-prothèse et d'une prise en charge oto-rhino-laryngologique et orthophonique dans le cadre d'un centre d'éducation pour enfants déficients auditifs qui devra se poursuivre sur plusieurs années pour lui permettre de rattraper son retard dans les acquisitions du langage. Scolarisée à l'école de sa commune de résidence, elle est toutefois suivie par un professeur spécialisé en surdité. Il ressort à cet égard du rapport du chef de service du centre d'éducation pour enfants déficients auditifs que si l'enfant C... a pu effectuer des progrès dans l'acquisition du langage grâce à l'appareillage auditif, le retard demeure important tandis que ces progrès l'ont été dans la langue française et que l'évolution ultérieure de ses compétences est subordonnée à la poursuite du suivi spécialisé dont elle bénéficie. Il se déduit de ces éléments qu'en dépit de la disponibilité d'un suivi médical en Albanie, la rupture de l'accompagnement spécialisé en langue française dont l'enfant C... bénéficie en France, qui lui a permis ainsi qu'il vient d'être dit, de commencer à acquérir le langage et l'écriture dans cette langue, ne pourra que nuire à l'évolution de son handicap. Dans les circonstances particulières de l'espèce, tenant aux perspectives d'évolution favorable de la situation de handicap de l'enfant C... en France, les décisions du préfet du Jura refusant de renouveler les autorisations provisoires de séjour de ses parents sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. et Mme A.... Il y a lieu par suite, d'annuler ces décisions, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligations de quitter le territoire et les décisions fixant le pays de destination.
3. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtes du préfet du Jura du7 octobre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que le préfet du Jura délivre à M. et Mme A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu par suite, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de l'enjoindre de procéder à cette délivrance, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte, selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991 :
5. M. et Mme A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F..., avocat de M. et Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F... d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais que M. et Mme A... auraient exposés dans la présente instance s'ils n'avaient été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement ci-dessus visé du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du préfet du Jura du 7 octobre 2019 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète ou au préfet du Jura de délivrer à M. et Mme A... une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me F... la somme globale de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Jura.
N° 20NC01111, 20NC01112 2