Par un jugement n° 1203411 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande relative aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives à la valeur supérieure à 761 224 euros des appartements en cause et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
I). Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 juin 2015, 16 juin 2015 et
26 janvier 2016, sous le n° 15NC01281, la société à responsabilité (SARL) Copral, venant aux droits de la SARL Rinaldo Construction, représentée par Mes Gerardin et Keller, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101865 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 avril 2015 en tant qu'il porte rejet du surplus de la demande de la SARL Rinaldo Construction ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle demeure redevable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs et est donc irrégulier ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant que l'évasion fiscale devait être présumée ;
- elle apporte la preuve de l'absence d'une telle intention ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de son intention d'éluder l'impôt ;
- les pénalités de 40 % pour manquement délibéré ne sont en conséquence pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II) Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 juin 2015, 16 juin 2015 et
26 janvier 2016, sous le n° 15NC01282, la société à responsabilité (SARL) Copral, venant aux droits de la SARL Rinaldo Construction, représentée par Mes Gerardin etD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203411 du tribunal administratif de Strasbourg du
9 avril 2015 en tant qu'il porte rejet du surplus de la demande de la SARL Rinaldo Construction ;
2°) de prononcer la décharge ou la réduction des droits et pénalités auxquelles elle demeure assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre à des moyens qu'elle a soulevés dans un mémoire du 11 mars 2015 ; le jugement attaqué est donc irrégulier ;
- elle apporte la preuve que la minoration des prix de vente l'a été dans son intérêt et prouve donc l'absence d'un acte anormal de gestion ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de son intention d'éluder l'impôt ;
- les pénalités de 40 % pour manquement délibéré ne sont en conséquence pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de Me Keller, avocat substituant Me D...représentant la SARL Copral.
Des notes en délibéré présentées par MeD..., pour la SARL Copral, ont été enregistrées le 4 février 2016.
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité, dont la SARL Rinaldo Construction a fait l'objet en 2008, l'administration fiscale a estimé que la cession, le 25 août 2006, à M. C...F..., associé et co-gérant, d'un appartement situé dans le bâtiment C de l'immeuble, sis 9 rue des Anémones à Colmar, pour le prix de 128 763 euros hors taxes, la cession, le 12 septembre 2006, à M. C...F...et à Mme B...G...épouseF..., d'un appartement situé dans le bâtiment A du même immeuble pour 119 565 euros hors taxes, la cession, le même jour, à M. C...F..., d'un bureau situé dans le même bâtiment pour 183 946 euros hors taxes, et enfin la cession, le 13 septembre 2006, à
M. E...F..., autre associé et co-gérant, d'un appartement situé dans le bâtiment C du même immeuble pour 137 960 euros hors taxes avaient été effectuées à des prix minorés ; que s'agissant des cessions réalisées aux prix de 128 763 euros, 119 565 euros et 137 960 euros, l'administration fiscale a substitué à ces montants respectivement les sommes de 205 667 euros, 176 605 euros et 206 886 euros correspondant, selon elle, à la valeur vénale réelle des biens cédés ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement le 24 août 2010 ; que la SARL Rinaldo Construction a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la décharge de ces rappels ainsi que des majorations de 40 % dont ils ont été assortis ; que, par jugement n° 1101865 du 9 avril 2015, le tribunal a considéré que les valeurs vénales des trois appartements en litige devaient être fixées respectivement aux montants, hors-taxe, de 172 786 euros, 158 945 euros, et 188 707 euros, a accordé, en conséquence, à la SARL Rinaldo Construction la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondants et a rejeté le surplus de la demande ; que, par requête enregistrée sous le n° 15NC01281, la SARL Copral, venant aux droits de la SARL Rinaldo Construction, relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure ; que l'administration fiscale a également estimé que ces quatre cessions à un prix minoré étaient constitutives d'actes anormaux de gestion et a, dès lors, procédé à la réintégration, dans les résultats de la société de l'exercice clos le 31 mars 2008, compte tenu des dates de livraison, des sommes correspondant à la différence entre les prix de cession et les valeurs vénales réelles qu'elle a dans un premier temps fixées à 205 667 euros,
176 605 euros, 264 180 euros et 206 886 euros ; que, toutefois, après l'avis émis le
15 septembre 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale a admis, dans un second temps, que la société avait pu accorder aux acquéreurs des décotes de 2 % et 8 % sur les valeurs vénales réelles pour tenir compte respectivement de l'avantage financier que ceux-ci lui ont permis d'obtenir en atteignant le seuil de pré-commercialisation de 49 % et des frais de commercialisation qu'elle n'a pas eu à engager ; qu'elle a par suite évalué les insuffisances de résultats aux sommes de 56 337 euros, 39 380 euros, 53 816 euros et 48 237 euros ; que la SARL Rinaldo Construction a en conséquence été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 mises en recouvrement le 24 novembre 2011 ; que ces droits ont été assortis de majorations de 40 % pour manquement délibéré ; que la SARL Rinaldo Construction a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la décharge de ces droits et pénalités ; que, par jugement n° 1203411 du 9 avril 2015, le tribunal a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande ; que, par requête, enregistrée sous le n° 15NC01282, la SARL Copral relève appel de ce second jugement dans cette dernière mesure ;
2. Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 15NC01281 et 15NC01282 sont présentées par la même société requérante et sont relatives aux mêmes faits ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et unique arrêt ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient que le jugement n° 1101865 est entaché d'une contradiction de motifs, cette circonstance demeure toutefois sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
4. Considérant, en second lieu, que la société requérante soutient que le tribunal a omis de répondre, dans son jugement n° 1203411, aux moyens soulevés dans son mémoire du 11 mars 2015 et tirés de ce que la jurisprudence reconnaît que la cession d'immeubles en bloc peut donner lieu à une décote à ce titre, de ce que les prestations particulières ont été facturées aux acquéreurs de manière distincte et de ce que la commission départementale des impôts a dès lors commis une erreur en réduisant la décote liée à l'atteinte du seuil de pré-commercialisation par compensation avec ces prestations particulières ; que, toutefois, d'une part, le moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait commis une erreur de fond étant sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition et le bien-fondé de l'impôt, les premiers juges n'avaient en tout état de cause pas à l'écarter expressément ; que, d'autre part, les premiers juges qui ont répondu au moyen tiré de ce que l'évaluation par l'administration fiscale des valeurs vénales était excessive, n'étaient pas davantage tenus de répondre expressément à l'ensemble des arguments invoqués au soutien de ce moyen ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " 2. En ce qui concerne les opérations mentionnées au 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b. Pour les mutations à titre onéreux (...) sur : le prix de la cession (...) La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix (...) " : qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations. " ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet d'ouvrir au service la faculté de substituer au prix stipulé la valeur vénale réelle du bien lorsqu'elle est supérieure ; que conformément toutefois aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive TVA et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales ; que dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application des articles 27 de la sixième directive et 266, 2-b du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, le service peut, sans contrariété avec la directive communautaire précitée, opérer une telle substitution à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la sixième directive, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d'évasion fiscale ; que celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ;
7. Considérant que la société requérante, qui ne conteste ni l'existence d'écarts significatifs entre les prix de cession et les valeurs vénales réelles retenues par l'administration fiscale ni l'existence de relations d'intérêt avec les acquéreurs soutient, en revanche, qu'elle apporte la preuve de l'absence d'une volonté de sa part d'évasion fiscale dès lors qu'elle avait intérêt à accorder à MM. F...et A...G... des décotes supérieures à celles de 2 % et 8 % ; qu'elle prétend en effet, d'une part, qu'elle pouvait également consentir aux acquéreurs une décote supplémentaire de 10 % pour prendre en considération la cession " en blocs " des immeubles et, d'autre part, qu'elle pouvait accorder à ces acquéreurs une décote supérieure à 2 % pour tenir compte de l'avantage financier qu'elle a obtenu en atteignant, avant le 24 décembre 2005, le seuil de pré-commercialisation de 49 % du chiffre d'affaires de l'opération immobilière auquel une offre de prêt bancaire était conditionnée ;
8. Considérant, cependant, en premier lieu, que la SARL Copral n'établit pas que les cessions, à des dates différentes, d'un appartement à M. C...F..., d'un appartement à M. E...F..., frère du précédent, et d'un appartement à M. C...F...et son épouse justifiaient que soient accordées à ces acquéreurs qui sont distincts, bien qu'unis par des liens familiaux, des décotes en raison du caractère " global " de ces cessions ;
9. Considérant, en second lieu, que la SARL Copral n'établit pas que MM.F..., ses associés, ainsi que MmeG..., l'épouse de M. C...F..., étaient dans l'impossibilité financière de procéder à l'acquisition des immeubles à des prix correspondant à leur valeur vénale réelle ; qu'eu égard, dès lors, à l'intérêt pour MM. F...et indirectement pour Mme G...que la SARL Rinaldo Construction obtienne le prêt bancaire de 1 000 000 euros sous peine d'être confrontée à d'importantes difficultés financières, la SARL Copral n'est pas fondée à soutenir qu'elle apporte la preuve, dont la charge lui incombe, que la SARL Rinaldo Construction pouvait accorder aux acquéreurs une décote supérieure à 2 % et par suite de l'absence d'une volonté de la part de cette dernière d'évasion fiscale ;
S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
10. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que, d'autre part, si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l''administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ;
11. Considérant que la société requérante, qui ne conteste pas plus que précédemment, les différences entre les prix de cession des quatre immeubles en cause et leur valeur vénale réelle telle que déterminée par l'administration fiscale, soutient, en revanche, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 7, qu'elle établit que les minorations de prix consenties l'ont été dans son intérêt ;
12. Considérant, cependant, que la SARL Copral n'établit pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9, qu'elle pouvait accorder aux acquéreurs une décote égale à 10 % du prix de chaque cession pour tenir compte de l'avantage découlant de la cession en bloc ainsi qu'une décote de 10 % pour tenir compte de l'avantage découlant de l'atteinte du seuil de pré-commercialisation ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a procédé à la réintégration, dans les résultats imposables de l'exercice clos le 31 mars 2008 de la SARL Rinaldo Construction, des sommes de 44 023 euros, 39 380 euros, 56 840 euros et 50 747 euros ;
En ce qui concerne les pénalités :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 1 729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré. " ;
14. Considérant qu'eu égard à l'importance des écarts existant entre les prix de cession et les valeurs vénales réelles, à la qualité de professionnelle de l'immobilier de la SARL Rinaldo Construction et aux liens étroits existant entre celle-ci et MM.F..., ses deux associés, et MmeG..., l'épouse de M. C...F..., l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention de la SARL Rinaldo Construction d'éluder l'impôt et par suite du bien-fondé de l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Copral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SARL Copral de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SARL Copral sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Copral et au ministre des finances et des comptes publics.
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