Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 juin 2015, 16 juin 2015 et 26 janvier 2016, sous le n° 15NC01288, M.E..., représenté par Mes Gerardin et Keller, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre à des moyens qu'il a soulevés dans son mémoire du 11 mars 2015 ;
- le tribunal aurait dû examiner d'office si l'intention d'octroyer et d'accorder une libéralité existait ;
- il établit que la SARL Rinaldo Construction pouvait lui accorder une décote supérieure à celle de 10 % admise par l'administration fiscale ;
- l'intention d'octroyer et d'accorder une libéralité n'est pas établie ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de sa mauvaise foi ;
- les majorations de 40 % pour manquement délibéré ne sont donc pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de Me Keller, avocat, substituant Me C...représentant
M.E....
Une note en délibéré présentée par MeC..., pour M.E..., a été enregistrée le 4 février 2016.
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société à responsabilité limitée (SARL) Rinaldo Construction a fait l'objet en 2008, l'administration fiscale a estimé que la cession, le 12 septembre 2006, à M. B...E..., associé et co-gérant, d'un bureau situé dans le bâtiment A de l'immeuble sis 9 rue des Anémones à Colmar pour 183 946 euros, livré en 2007, et la cession, le même jour, à M. B...E...et son épouse, Mme A...F..., d'un appartement situé dans le même bâtiment pour
119 565 euros, livré en 2007, avaient été effectuées à des prix minorés eu égard aux valeurs vénales réelles qu'elle a fixées respectivement à 264 180 euros et 176 605 euros ; que l'administration fiscale a toutefois admis que la société a pu accorder à M. E...sur ces valeurs vénales des décotes de 2 % et 8 % pour tenir compte respectivement de l'avantage financier que M. E...lui a permis d'obtenir en atteignant le seuil de pré-commercialisation de 49 % et des frais de commercialisation qu'elle n'a pas eu à engager ; que les sommes de 246 180 euros et 176 605 euros ont ainsi été ramenées à respectivement 237 762 euros et 158 945 euros ; que ces cessions étant constitutives pour l'administration fiscale d'actes anormaux de gestion, elle a procédé à la réintégration dans les résultats de l'exercice clos en 2008, d'une part, de la différence entre la somme de 237 762 euros et le prix de 183 946 euros et, d'autre part, de la différence entre la somme de 158 945 euros et le prix de 119 565 euros ; que l'administration fiscale a par ailleurs estimé que les avantages ainsi octroyés à M. E...devaient être requalifiés en libéralités représentant des avantages occultes constitutifs de distributions de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts ; que M. E...relève appel du jugement du
9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été en conséquence assujetti au titre de l'année 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes. " ; qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ; que dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée ;
S'agissant de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale réelle :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a admis que la SARL Rinaldo Construction avait pu accorder à M.E..., sur les valeurs vénales réelles qu'elle a fixées à 246 180 euros et 176 605 euros, une décote globale de 10 % pour tenir compte, selon l'avis émis le 12 juillet 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'une part, de l'économie réalisée sur les frais d'agence et de commercialisation, eu égard à la qualité d'associé de M.E..., soit une décote de 8 % non contestée par le requérant et, d'autre part, de l'avantage financier que M. et Mme E...lui ont permis d'obtenir, avec les autres cessions réalisées au cours de la même période tant avec lui-même que son frère, M. D...E..., en atteignant le seuil de pré-commercialisation auquel l'offre de prêt formulée par la Banque de l'Economie du Commerce et de la Monétique d'un million d'euros était conditionnée ; qu'à l'appui de ses prétentions, le requérant, qui ne conteste pas la valeur vénale retenue par le service, soutient que cette dernière décote a été à tort limitée à 2 % pour tenir compte des prestations particulières dont il aurait bénéficié et revendique en outre l'application d'une décote supplémentaire de 10 % pour prendre en considération la cession " en blocs " des immeubles;
4. Considérant , en premier lieu, que M. E...n'établit, pas que les cessions dont il a bénéficié le 12 septembre 2006, ainsi que l'acquisition qu'il a réalisée, le 25 août 2006, d'un appartement situé dans le bâtiment C du même immeuble, et la cession, enfin, à son frère, M. D...E..., le 13 septembre 2006, d'un appartement situé dans le bâtiment C du même immeuble, justifiaient que soient accordées à ces acquéreurs qui sont distincts, bien qu'unis par des liens familiaux, des décotes en raison du caractère " global " de ces cessions ;
5. Considérant, en second lieu, que M.E..., associé et co-gérant de la SARL Rinaldo Construction, n'établit pas davantage qu'il était dans l'impossibilité financière de procéder à l'acquisition des immeubles à un prix correspondant à leur valeur vénale réelle ; qu'eu égard, dès lors, à l'intérêt pour M. E...que la SARL Rinaldo Construction obtienne le prêt bancaire de 1 000 000 euros sous peine d'être confrontée à d'importantes difficultés financières, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il apporte la preuve, dont la charge lui incombe, que la SARL Rinaldo Construction pouvait lui accorder une décote supérieure à 2 % et, par suite, que l'écart entre le prix de 119 565 euros et la somme de 158 945 euros et l'écart existant entre le prix de 183 946 euros et la somme de 237 762 euros aient été justifiés par l'existence de contreparties ;
S'agissant de l'existence d'une intention d'octroyer et de recevoir une libéralité :
6. Considérant que la SARL Rinaldo Construction et M.E..., son associé et co-gérant, étant liés par des relations d'intérêt, l'intention de la société d'octroyer à son associé des libéralité et l'intention de M. E...de recevoir de telles libéralités doivent être présumées ; que M.E..., qui n'établit pas, comme il a été dit au point 5, que l'écart entre le prix de 119 565 euros et la somme de 158 945 euros et l'écart entre le prix de
183 946 euros et la somme de 237 762 euros aient été justifiés par l'existence de contreparties, n'apporte pas la preuve contraire ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les sommes de 45 632 euros et de 80 234 euros ont été imposées entre ses mains comme des revenus distribués ;
En ce qui concerne les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré. " ;
9. Considérant qu'eu égard à l'importance de l'écart existant entre le prix de cession et la valeur vénale réelle de l'immeuble, la qualité de professionnel de l'immobilier de
M. E...et aux liens étroits existant entre M. E...et la SARL Rinaldo Construction, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention de
M. E...d'éluder l'impôt et par suite du bien-fondé de l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'a pas omis de répondre à un moyen opérant et n'avait pas à soulever d'office le moyen, qui n'est pas d'ordre public, tiré de l'absence d'intention d'accorder une libéralité, a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. E...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au ministre des finances et des comptes publics.
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N° 15NC01288