Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé son arrêté du 24 mai 2016 et la décision du même jour par laquelle il a placé M. A...en rétention administrative, qu'il lui enjoint de remettre à M. A...son passeport albanais ainsi que tout effet personnel qui serait en la possession de l'administration et, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, de réexaminer la situation administrative de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A...d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...en tant qu'elle tend à l'annulation des décisions du 24 mai 2016.
Il soutient :
- qu'il justifie, en produisant les accusés de réception des plis recommandés portant notification à M. A...des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile portant rejet de sa demande d'asile, que celui-ci ne disposait d'aucun droit au maintien à la date des décisions contestées et pouvait faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle a été communiquée, par pli recommandé, à M. A...le 13 juillet 2016 et a été retournée à la cour de céans le 5 août 2016 avec la mention " pli avisé et non réclamé ".
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que M.A..., ressortissant albanais, entré en France, selon ses déclarations, le 19 mars 2013, a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2016 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ainsi que la décision du même jour par laquelle le même préfet a décidé son placement en rétention administrative ; que par jugement du 1er juin 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé ces décisions, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de remettre à M. A... son passeport albanais ainsi que tout effet personnel qui serait en la possession de l'administration et, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, de réexaminer la situation administrative de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A... d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de la demande ; que le préfet relève appel de ce jugement en tant qu'il porte annulation des décisions du 24 mai 2016, lui enjoint de remettre à M. A...son passeport albanais ainsi que tout effet personnel qui serait en la possession de l'administration et, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, de réexaminer la situation administrative de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A...d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger, qui demande l'asile, a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger, à qui l'asile a été refusé, comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour ;
4. Considérant que le préfet produit, pour la première fois en appel, les accusés de réception des plis recommandés portant notification à M. A...les 26 novembre 2014 et 9 avril 2015 des décisions de rejet prises respectivement par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que ces documents révèlent que M. A...s'était vu notifier, avant que le préfet l'oblige, le 24 mai 2016, à quitter le territoire français, la décision du 25 mars 2015 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 novembre 2014 rejetant sa demande d'asile ; que le préfet est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur ce qu'il n'était pas établi qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, l'intéressé ne bénéficiait plus d'un droit au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
5. Considérant qu'il appartient dès lors à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le signataire de l'arrêté du 24 mai 2016 bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée à l'effet d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet a visé le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application pour fixer le pays de renvoi ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit de cette décision doit être écarté comme manquant en fait ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la décision du 24 mai 2016 du préfet de Meurthe-et-Moselle plaçant M. A...en rétention administrative comporte de manière suffisante l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas, eu égard notamment à l'entrée récente en France de M.A..., qui ne précise pas la nature des liens privés qu'il aurait tissés depuis cette entrée, porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que les allégations de M. A...selon lesquelles il craint pour sa vie en cas de retour en Albanie en raison de menaces émanant de la famille de la personne dont il était amoureux, cette famille désapprouvant cette relation, ne sont aucunement étayées ; que le moyen tiré de ce la décision fixant l'Albanie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être par suite écarté ;
13. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur, à la date de la décision contestée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; 2° Fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ; 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ; 4° Fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission ou d'une décision d'éloignement exécutoire mentionnée à l'article L. 531-3 du présent code ; 5° Fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l'article L. 533-1 ; 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; 7° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction administrative du territoire ; 8° Ayant fait l'objet d'une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire " ;
14. Considérant qu'il est constant qu'à la date de la décision du 24 mai 2016, M. A... n'avait pas fait l'objet d'une assignation à résidence ; que celui-ci n'ayant pas présenté une demande en ce sens et le préfet n'ayant pas statué sur une telle demande, il ne peut utilement soutenir que c'est à tort que le préfet a refusé de l'assigner ainsi à résidence ;
15. Considérant, en septième et dernier lieu, que M. A...n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à demander que la décision fixant le pays de renvoi et la décision de placement en rétention administrative soient annulées en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort, que par les articles 1 à 4 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé ses décisions du 24 mai 2016, lui a enjoint de remettre à M. A...son passeport albanais ainsi que tout effet personnel qui serait en la possession de l'administration et, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, de réexaminer la situation administrative de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A...d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1 à 4 du jugement n° 1601474 du tribunal administratif de Nancy du 1er juin 2016 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions du 24 mai 2016, qu'elle comportait des conclusions aux fins d'injonction et tendait à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC01419