Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2018 sous le n° 18NC02926, M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 16 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de cette même notification, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas signé, ce qui méconnait l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu à l'intégralité de l'argumentation présentée à l'appui du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas le nom du médecin auteur du rapport médical, que le préfet n'établit pas que cet avis a été préalablement remis au collège, ni la qualité pour siéger des membres de ce collège et enfin ni que le médecin instructeur n'y a pas siégé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'une prise en charge médicale est nécessaire sous peine de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que cette dernière n'est pas réalisable au Kosovo ;
- il méconnaît les dispositions des articles 3-1 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant au regard de la qualité des résultats scolaires de ses enfants ; par ailleurs la formation spécifique en matière de transport fluvial suivie par son fils n'existe pas au Kosovo ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
II.) Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2018 sous le n° 18NC02927, Mme C..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 16 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de cette même notification, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle se prévaut des mêmes moyens que ceux articulés dans la requête n° 18NC02926.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 22 novembre 2018.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. et Mme C...visées ci-dessus sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et MmeC..., ressortissants kosovars nés le 5 août 1965 et le 20 septembre 1967, sont entrés en France irrégulièrement en compagnie de leurs deux enfants, respectivement les 1er janvier 2015 et 25 décembre 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 12 octobre 2015 et 31 mai 2017, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile des 21 mars et 16 novembre 2017. M. C...a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé le 12 décembre 2017. Par arrêtés du 16 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
4. Le préfet du Bas-Rhin qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indication du nom du médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de M.C..., n'a apporté au cours de l'instruction de l'affaire aucun élément permettant d'identifier ce médecin et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a, le 19 février 2018, émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de titre de séjour opposé au requérant. Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie, M. C... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
5. Par voie de conséquence, l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de son épouse doit également être annulé pour erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de cette dernière.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens soulevés, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il y a seulement lieu, au regard du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation des intéressés dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
9. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Burkatzki, avocat de M. et MmeC..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802960,1802970 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du 16 avril 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé à M. et Mme C...la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. et Mme C...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Article 4 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de M. et MmeC..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., Mme D... C... née B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02926,18NC02927