Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, M. et MmeC..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler les arrêtés susvisés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 mai 2017 ;
3°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à leur conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;
- elles sont insuffisamment motivées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de leur situation ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où le formulaire leur expliquant leurs droits ne leur a pas été remis ;
- ils n'ont pas bénéficié de la possibilité de présenter des observations préalables avant l'édiction des décisions litigieuses ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; ils doivent se présenter une fois par semaine à l'hôtel de police alors qu'ils sont, ainsi que leurs enfants, gravement malades.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme C...n'est fondé.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 août 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants albanais nés respectivement les 22 mars 1978 et 7 février 1989, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 16 février 2015 ; que par arrêtés du 1er août 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que les intéressés n'ayant pas exécuté ces décisions, le préfet les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département de Meurthe-et-Moselle par arrêtés du 4 mai 2017 ; que les époux C...relèvent appel du jugement du 15 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces dernières décisions ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;
3. Considérant que les époux C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 28 août 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy ; qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions susvisées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que le tribunal a omis de statuer sur le moyen soulevé par les requérants dans leurs écritures et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions attaquées ; que ce moyen n'était pas inopérant ; que le jugement litigieux doit, par suite, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées devant le tribunal administratif de Nancy ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :
6. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés contestés ont été signés par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature du 25 août 2015 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté comme manquant en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que les arrêtés contestés visent en particulier l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indiquent qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement pour les intéressés et mentionnent que M. et Mme C...ont chacun fait l'objet, le 1er août 2016, d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire qu'ils n'ont pas exécutée et précisent qu'ils se trouvent dans la situation visée à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces arrêtés sont ainsi suffisamment motivés ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers ni des termes mêmes des arrêtés litigieux que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de M. et Mme C...avant de les assigner à résidence pour une durée de 45 jours ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour " ;
10. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, était jointe à chacune des décisions d'assignation contestées une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour au sens des dispositions précitées de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme C...ont été informés, le 4 mai 2017, qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une assignation à résidence en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement et de la possibilité de présenter des observations orales, ce qu'ils ont d'ailleurs fait préalablement à l'édiction des décisions attaquées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union, doit être écarté ;
13. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;
14. Considérant qu'il est constant que les époux C...ont tous deux fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise moins d'un an auparavant et pour lesquelles le délai pour quitter le territoire est expiré ; qu'ils entraient donc dans les prévisions des dispositions précitées autorisant le préfet de Meurthe-et-Moselle à les assigner à résidence ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'administration dispose de la copie de leurs documents d'état-civil permettant la formalisation de demandes de laissez-passer consulaires auprès des autorités du pays d'origine, de sorte que l'exécution des mesures d'éloignement demeure une perspective raisonnable ; que les certificats médicaux produits faisant état, pour MmeC..., de la nécessité d'un suivi psychologique mensuel et d'un traitement psychotrope, pour M. C..., de la persistance de douleurs invalidantes de la jambe après l'opération en 2015 d'une volumineuse hernie discale, nécessitant la prise d'un traitement antalgique, et enfin, pour leur fille de 3 ans, du suivi d'un traitement chronique sans autre précision, ne suffisent pas à démontrer le caractère injustifié ou disproportionné des mesures d'assignation à résidence litigieuses avec obligation de présentation hebdomadaire aux services de police ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions attaquées doit, par suite, être écarté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation des décisions attaquées doivent être rejetées ; qu'il y a lieu également, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions relatives à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et au sursis à statuer présentées par M. et MmeC....
Article 2 : Le jugement n° 1701199,1701207 du 15 mai 2017 rendu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 3 : Les conclusions à fin d'annulation et relatives au versement de frais irrépétibles présentées par M. et Mme C...en première instance et en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...D...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC01374