Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 18 août 2017 et 8 mars 2018, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 10 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, sinon de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision lui refusant le séjour :
- la décision méconnaît l'article L. 311-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 7 mars 2018 le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing.
1. Considérant que Mme C..., née le 6 octobre 1982 de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), serait entrée irrégulièrement en France le 7 mars 2015 selon ses déclarations, accompagnée de ses trois enfants nés en 2003, 2007 et 2011 ; qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 août 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 avril 2016 ; qu'à la suite de la naissance, le 10 décembre 2015, de son enfant Précieuse Mamputu Nkodi, Mme C...a déposé le 25 août 2016 une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français, M. D...; que par arrêté du 10 avril 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; que Mme C... relève appel du jugement du 12 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 avril 2017 ;
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant que le préfet du Haut-Rhin a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme C...au motif que la reconnaissance de son enfant Précieuse Mamputu Nkodi née le 10 décembre 2015 par M.D..., de nationalité française, présente un caractère frauduleux ; que Mme C...soutient que son ancien compagnon n'est pas le père de son enfant née en 2015 et conçue sur le territoire français ; qu'elle soutient également que M. D...participe financièrement à l'entretien de sa fille et que la filiation n'a pas été remise en cause ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., qui résidait à Lyon avec une autre femme, a reconnu, en novembre 2015, l'enfant de MmeC..., née en décembre 2015 ; que la requérante n'a jamais vécu avec le père de son enfant, tous deux étant domiciliés à des adresses différentes, distantes de plus de cinq cents kilomètres ; que l'intéressée a déclaré avoir eu une brève relation avec le père de son dernier enfant au cours d'une fête un mois après son entrée en France ; qu'il n'est pas contesté qu'elle n'a pas fait mention de cet homme dans le cadre de sa demande d'asile et qu'elle n'a pas de contact régulier avec lui ; que le père déclaré de cet enfant ne s'est pas manifesté lors de la procédure engagée par Mme C...devant le tribunal de grande instance de Mulhouse qui, par une décision du 21 novembre 2016, s'est prononcé sur le versement d'une pension alimentaire de cent euros par mois et sur les modalités d'exercice du droit de visite du père ; que la requérante produit trois mandats cash réalisés antérieurement à la décision attaquée, entre le 26 décembre 2016 et le 13 janvier 2017 pour un montant total de 290 euros ; que ces versements sont postérieurs au dépôt par Mme C...de la demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; que le père de l'enfant ne participe ainsi ni à son entretien ni à son éducation ; qu'une enquête auprès du procureur de la République est en cours pour suspicion de reconnaissance de complaisance ; que le compagnon de MmeC..., père de ses trois premiers enfants, a obtenu l'asile en Italie ; qu'il est entré en France en septembre 2015 et a demandé au préfet du Haut-Rhin sa régularisation au titre d'un regroupement familial en novembre 2015, un mois avant l'accouchement de MmeC... ; que le préfet du Haut-Rhin fait ainsi état d'éléments précis et concordants de nature à établir qu'il existe un doute sérieux sur la sincérité de cette reconnaissance de paternité, laquelle aurait été établie frauduleusement, dans le seul but de permettre à Mme C...d'obtenir un titre de séjour ; que dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que la reconnaissance de l'enfant de la requérante par un ressortissant français a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française et d'un titre de séjour ; que le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, était légalement fondé à refuser la délivrance d'un titre de séjour à MmeC... ; que par suite, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...vit seule avec ses quatre enfants dans un hébergement d'urgence ; qu'il n'est pas établi que l'intéressée aurait tissé des relations sociales ou familiales intenses en France ; que Mme C...ne saurait se prévaloir de l'état de santé d'un de ses enfants dès lors que le préfet n'a pas été saisi d'une demande de titre de séjour pour ce motif ; qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi que cet enfant, souffrant d'antécédents de malformation cardiaque prise en charge chirurgicalement en France en 2015, ne pourrait bénéficier d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de son séjour en France et du jeune âge de ses enfants, le refus de titre de séjour contesté ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis ; que, dès lors, il ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ce refus ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressée, garanti par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'il est susceptible de comporter pour sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant que, pour les motifs indiqués plus haut, Mme C...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
9. Considérant, enfin, que, pour les motifs mentionnés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que ladite décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de MmeC... ;
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
11. Considérant que Mme C...soutient que son compagnon était un militant actif de l'UDPS en République démocratique du Congo et qu'il a été interpelé en décembre 2011 ; qu'en représailles, la requérante allègue avoir subi une agression physique et sexuelle à son domicile le 3 février 2012 ; que par ses seules allégations, l'intéressée ne justifie pas de l'existence de risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans le pays dont elle possède la nationalité, alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 août 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 avril 2016 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction, et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Haut-Rhin.
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N° 17NC02098