Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2017, la société KRM Investissements, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Nancy du 23 février 2017 ;
2°) de prononcer le rétablissement de la créance de report en arrière du déficit constaté au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2010 pour un montant de 315 695 euros, à défaut d'ordonner une expertise comptable ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société KRM Investissements soutient que :
- elle n'a pas accepté tacitement les rectifications et l'administration a rejeté sa demande de prorogation du délai de réponse ; l'absence de mise en recouvrement l'a privée de la faculté d'introduire une réclamation ;
- c'est à bon droit que ses deux filiales ont comptabilisé au passif sans passer par un compte de produit des acomptes perçus pour des travaux à réaliser et donc non encore effectués ni facturés au cours de l'exercice 2010 et correspondant à un marché passé avec le ministère de la défense, en application de l'article 38 2 bis du code général des impôts et de la doctrine administrative publiée au BOFIP - BIC - PDSTK - 10 - 10 - 10 §1, §170 et §190 ;
Par un mémoire enregistré le 17 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société KRM Investissements ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société KRM Investissements.
1. Considérant que la société KRM Investissements, qui est tête d'un groupe fiscalement intégré, exerce une activité de holding pour ses différentes filiales, essentiellement dans le domaine du bâtiment et des travaux publics ; qu'elle a déposé le 3 juin 2013 au titre de l'année 2010 une déclaration de résultat rectificative faisant état pour l'ensemble dudit groupe d'un déficit de 1 011 796 euros, accompagnée d'une déclaration n° 2039 sollicitant le report en arrière de la fraction de ce déficit correspondant au bénéfice imposable au titre de l'année 2009 (947 180 euros), faisant ainsi, selon elle, naître une créance sur le Trésor égale au montant de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre de l'année 2009, soit 315 695 euros ; que la société KRM Investissements a fait l'objet, de même que deux de ses filiales à l'origine dudit déficit, la société Nouvelle des Etablissements Pezzi et la société Bernard Bour, d'une vérification de comptabilité du 19 février 2014 au 18 septembre 2014 en vue notamment de vérifier la réalité du déficit allégué au titre de l'exercice clos en 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a notifié à la société KRM Investissements une proposition de rectification du 18 décembre 2014, établie selon la procédure d'évaluation d'office, donnant lieu respectivement à un rehaussement de 407 690 euros, afférent au résultat de la Société Nouvelle des Ets Pezzi et de 1 324 709 euros, afférent à celui de la société Bernard Bour ; que lesdites rectifications ayant pour effet d'annuler intégralement le déficit déclaré par la société KRM Investissements, l'administration a rejeté la demande de report par une décision du 1er juin 2015 ; que la société requérante relève appel du jugement du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la constatation de la créance de report en arrière du déficit déclaré au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010 pour un montant de 315 695 euros ;
Sur les conclusions relatives à la constatation d'une créance sur le Trésor née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 :
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 qui figure au I intitulé " Procédure de rectification contradictoire " de la section IV du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 56 du même code : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition " ;
3. Considérant que la procédure de rectification contradictoire n'étant pas applicable en cas, comme en l'espèce, d'imposition d'office, laquelle n'est pas contestée, l'administration n'était pas tenue, dans le cadre de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la société requérante, d'accorder à celle-ci le bénéfice de la prorogation du délai de réponse aux rehaussements proposés ; que, par ailleurs, l'argumentation de la société KRM Investissements a été effectivement examinée par l'administration dans le cadre de l'instruction de la réclamation formalisée par la déclaration d'option pour le report en arrière du déficit ; que, par suite, à supposer même que la société requérante ait entendu soulever en appel le moyen tiré de ce qu'elle aurait été privée de la faculté de faire valoir ses observations, ce moyen ne saurait, en tout état de cause, qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. (...) " ; qu'aux termes de l'article 220 quinquies du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices exonérés en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies, 44 terdecies, 44 quaterdecies et 207 à 208 sexies ou qui ont bénéficié des dispositions du premier alinéa du f du I de l'article 219 ou qui ont ouvert droit au crédit d'impôt prévu aux articles 220 quater et 220 quater A ou qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôts. Cette option porte, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1985, sur les déficits reportables à la clôture d'un exercice en application du troisième alinéa du I de l'article 209. Le déficit imputé dans les conditions prévues au premier alinéa cesse d'être reportable sur les résultats des exercices suivant celui au titre duquel il a été constaté. L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance d'égal montant. La constatation de cette créance, qui n'est pas imposable, améliore les résultats de l'entreprise et contribue au renforcement des fonds propres ; qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; et qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même code : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ;
5. Considérant que la société requérante soutient que les rectifications qui ont conduit l'administration à rejeter la créance de report en arrière du déficit constaté au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2010 pour un montant de 315 695 euros ne sont pas fondées dès lors que les versements en 2010 et 2011 sur les comptes de la Société Nouvelle des Etablissements Pezzi, à concurrence d'un montant de 407 690 euros, et d'un montant de 1 382 442 euros sur les comptes de la société Bernard Bour, concernent des avances perçues du ministère de la défense à raison de travaux immobiliers à effectuer au profit de l'armée et ne peuvent, dès lors, conformément aux dispositions précitées du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, être comptabilisées en tant que produits dans les comptes de ces deux sociétés ;
6. Considérant que la société KRM Investissements se borne à produire, pour tout justificatif de la réalité des acomptes ainsi perçus, des extraits des grands livres des deux filiales au titre de l'exercice 2010 retraçant, sans précision quant à leur nature et leur origine, des mouvements au crédit et au débit de comptes de tiers au nom du ministère de la défense ou d'un compte " groupement " ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les comptabilités de ces deux sociétés pour l'année 2010 ont été rejetées en raison des multiples irrégularités les affectant, notamment l'absence de justification des soldes de comptes de tiers débiteurs ou créditeurs et la constatation de créances clients fictives ; que dans ces conditions la valeur probante des éléments comptables produits ne peut être retenue ; que la société requérante ne produit par ailleurs aucun courrier ou document contractuel attestant la réalité et l'objet des marchés qui auraient été attribués à ses filiales par le ministère de la défense ; qu'elle n'établit ainsi pas, alors que la charge lui en incombe, que les montants encaissés correspondraient effectivement à des avances pour des travaux non encore exécutés devant être inscrits sur des comptes figurant au passif des sociétés et ne pouvant ainsi figurer dans le résultat imposable ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a, d'une part, réintégré le montant de ces avances dans le résultat imposable de la société requérante, tête du groupe fiscalement intégré et, considérant que cette réintégration annulait le déficit déclaré, a rejeté la demande de report en arrière de la fraction de ce déficit correspondant au bénéfice imposable au titre de l'année 2009 ;
7. Considérant, en dernier lieu, que la société KRM Investissements n'est pas fondée, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à se prévaloir des paragraphes 1, 170 et 190 du BOFIP du 12 septembre 2012, au demeurant postérieurs à l'année en litige, qui prévoient que le produit n'est à constater qu'une fois les travaux réalisés et que les avances doivent être comptabilisées dans un compte d'attente au passif dès lors, ainsi qu'il vient d'être dit, qu'elle ne justifie pas de leur réalité et n'établit ainsi pas remplir les conditions de la doctrine invoquée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise comptable sollicitée par la société requérante ni de rouvrir l'instruction, que la société KRM Investissements n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société KRM Investissements est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société KRM Investissements et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC00956