Procédure devant la cour :
I. ) Par une requête, enregistrée sous le N° 18NC00805, le 20 mars 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 23 novembre 2017 et l'a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Il soutient que :
- la seule ancienneté du séjour de M. B...en France ne justifie pas une atteinte à sa vie privée et familiale ; il est célibataire et sans charge de famille ;
- M. B...n'a demandé que le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade ; les conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplies ;
- l'intéressé exerce un emploi peu qualifié ne relevant pas des métiers dits en tension.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, M. A...B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande en outre à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le jugement serait annulé, d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 et d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou tout du moins de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Bas-Rhin ne sont pas fondés.
II. ) Par une requête, enregistrée sous le n° 18NC00806, le 20 mars 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement précité.
Il soutient que c'est a tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de son pouvoir discrétionnaire de régularisation de M.B... et que les conditions d'application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, M. A...B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Bas-Rhin ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lambing.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes du préfet du Bas-Rhin visés ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M.B..., né en 1985 et de nationalité kosovare, serait entré irrégulièrement en France le 28 septembre 2011 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 février 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 juin 2012. Le 21 novembre 2012, M. B...a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 21 mai 2015, le préfet du Bas-Rhin lui a délivré un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, régulièrement renouvelé jusqu'au 6 juin 2017. Par arrêté du 23 novembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 20 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 23 novembre 2017 et a enjoint au préfet de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
3. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 18NC00806 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
4. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B...était en France depuis environ cinq ans à la date de la décision contestée. S'il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans au Kosovo, il a démontré des efforts d'insertion en s'inscrivant dès octobre 2012 à une formation annuelle de français à l'université populaire de Strasbourg. Il s'est particulièrement impliqué en tant que bénévole dans la vie de la paroisse catholique de Strasbourg depuis 2012, au sein de laquelle il a d'ailleurs été baptisé en avril 2015, comme le démontrent le bulletin paroissial et les attestations produites en première instance, ainsi que le courrier de l'archevêque de Strasbourg. Ayant obtenu l'autorisation de travailler avec la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à compter du 21 mai 2015, il s'est vu délivrer en avril 2016 un certificat de qualification de soudeur. Il a ensuite obtenu un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2016 en tant qu'employé bagagiste et d'entretien dans un hôtel et a produit les fiches de paie correspondantes jusqu'en mai 2018. M. B...a signé un bail d'habitation à compter d'octobre 2016, étant hébergé jusqu'alors par l'Eglise de Strasbourg. Si ses parents et un de ses frères vivent encore au Kosovo, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait conservé des relations avec sa famille. Par ailleurs, sa soeur réside au Danemark et un autre de ses frères en Allemagne. Dans les conditions particulières de l'espèce, eu égard aux efforts de M. B...afin d'établir sa vie privée et professionnelle en France et à la situation stable dans laquelle il se trouve en disposant d'un emploi et d'un logement, le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation en refusant de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, un autre titre. La circonstance que M. B...ait seulement déposé une demande de titre de séjour sur le fondement 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fait pas obstacle à ce que le préfet fasse usage de son pouvoir de régularisation en lui délivrant un autre titre de séjour. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 23 novembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler à M. B... son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et qu'il a enjoint en conséquence de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 23 novembre 2017 susmentionné.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18NC00806 du préfet du Bas-Rhin tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 février 2018.
Article 2 : La requête n° 18NC00805 du préfet du Bas-Rhin est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC00805, 18NC00806