Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 24 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302655 du tribunal administratif de Strasbourg du
18 octobre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de MeA..., liquidateur de la SARL Epsylon présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que le contrôle sur place a débuté le 4 septembre 2008 et s'est achevé le 27 novembre 2008 ; que la vérificatrice avait sollicité des informations dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale et les renseignements qu'elle a obtenus en mars 2009 ont permis au service de confirmer une insuffisance d'imposition ; que le tribunal administratif a estimé que la confrontation des résultats obtenus dans le cadre de l'assistance administrative internationale avec les écritures comptables de la SARL Epsylon devait être rattachée aux opérations de vérification de comptabilité ; que, toutefois, cette comparaison, effectuée alors que la vérificatrice ne disposait plus de la comptabilité de la société, ne faisait pas partie des opérations de contrôle sur place et n'a conduit à aucun examen critique de la cohérence de la comptabilité ; que la régularité de la procédure ne saurait dépendre du délai pris par les autorités fiscales étrangères pour répondre ; qu'enfin, la SARL Epsylon n'a été privée d'aucune garantie ; en conséquence, les dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.
Par ordonnance du 15 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au
7 mars 2018 à 12 heures.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Epsylon, qui exerçait une activité de marchand de biens et une activité d'achat et de revente de pneumatiques, a fait l'objet en 2008 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis en recouvrement des rappels d'impôt sur les sociétés au titre des années 2006 et 2007 et de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2008 ; que MeA..., liquidateur de la SARL Epsylon a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de ces rappels ; que, par un jugement rendu le 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à cette demande ; que le ministre de l'économie et des finances relève régulièrement appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois (...) " ; qu'aux termes de l'article 32 septies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : " I. Il est institué par décret en Conseil d'Etat un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année civile, n'excède pas 763 000 euros (...) " ;
3. Considérant que les dispositions de l'article L 52 du livre des procédures fiscales organisent, au bénéfice de certaines entreprises limitativement énumérées, une garantie spéciale encadrant la procédure de vérification sur place dont elles peuvent faire l'objet ;
4. Considérant que les opérations de vérification de la SARL Epsylon portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2008 et, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les années 2006 et 2007, ont débuté le 4 septembre 2008, date de la première intervention sur place de la vérificatrice ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification du 19 juin 2009, que la vérificatrice a effectué des demandes d'assistance administrative internationale auprès des autorités luxembourgeoises dont les réponses lui ont permis, d'une part, d'établir le caractère non probant de la comptabilité de la SARL Epsylon au cours des années 2006 et 2007 et durant la période allant du 1er janvier au 31 mai 2008 et, d'autre part, de rehausser les bases de l'impôt sur les sociétés dû au titre des années 2006 et 2007 ; qu'il est constant que les réponses des autorités fiscales luxembourgeoises sont parvenues à leurs homologues françaises de manière complète le 4 mars 2009 et qu'elles ont, par voie de conséquence, été exploitées postérieurement au délai de six mois prévu par les dispositions précitées du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, qui expirait le 3 mars 2009 ; que le ministre de l'économie et des finances ne peut utilement faire valoir que la confrontation des résultats obtenus dans le cadre de l'assistance administrative internationale avec les écritures comptables de la SARL Epsylon n'a pas été effectuée sur place, mais dans les locaux de l'administration, dès lors que la garantie instituée par ces dispositions n'est pas limitée aux seules investigations sur place ; qu'il ne peut davantage utilement soutenir que la vérificatrice ne disposait plus de la comptabilité de la société intimée et que ses services étaient tributaires du délai pris par l'administration fiscale luxembourgeoise pour répondre à la demande d'assistance ; que cette méconnaissance par le service du délai susmentionné constitue une irrégularité qui a privé la SARL Epsylon de la garantie spéciale prévue par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; qu'une telle irrégularité a donc été de nature à vicier la procédure d'imposition et, par suite, à entacher de nullité, au sens de l'article L. 52 précité, les impositions établies à l'issue de cette procédure ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé la SARL Epsylon des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à MeA..., liquidateur judiciaire de la SARL Epsylon.
2
N° 17NC00144