Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2017, M. C...et MmeE..., représentés par MeB..., demande à la cour :
1°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler ces arrêtés ;
4°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ;
5°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour leur permettant de travailler ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés ont été signés par une autorité qui n'avait pas compétence pour les édicter ;
- les arrêtés sont contraires aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ils sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- ils sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est cru tenu de rejeter leurs demandes de titres de séjour ;
Sur les obligations de quitter le territoire français :
- ces décisions ne sont pas motivées ;
Sur les décisions leur accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en instituant un délai de départ volontaire automatique de trente jours méconnaissent l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le refus de leur accorder un délai de départ supérieur à trente jours n'est pas motivé ;
- leur situation personnelle justifie l'octroi de ce délai supplémentaire ;
- ces décisions méconnaissent l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elles méconnaissent l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'ils n'ont pu, préalablement à leur édiction, présenter des observations ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...et MmeE..., ressortissants arméniens nés respectivement les 7 février 1984 et 19 août 1986, sont entrés avec leurs deux enfants mineurs en France le 14 juin 2011 ; qu'ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2012 et par la Cour nationale du droit d'asile le 11 février 2013 ; que, par deux arrêtés du 8 avril 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination ; que leurs requêtes dirigées contre ces arrêtés ont été rejetées par une ordonnance de la cour de céans du 14 avril 2014 et un arrêt du 12 mai 2015 ; que, par courrier du 9 mai 2016, les requérants ont demandé au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer des titres de séjour ; que, par deux arrêtés du 10 juillet 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination ; que M. C...et Mme E...relèvent appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cet arrêté de ces arrêtés ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;
3. Considérant que M. C...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 20 février 2018 ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les conclusions susvisées ;
4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire à MmeE... ;
Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :
5. Considérant, en premier lieu, que les arrêtés contestés ont été signés par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à M. Jean-François Raffy, par un arrêté du 25 août 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, " à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
7. Considérant que M. C...et Mme E...font valoir qu'ils sont entrés en France depuis 2001, qu'ils y vivent avec leurs trois enfants, le benjamin y étant né le 13 janvier 2012, qu'ils sont insérés dans la société française et qu'ils n'ont plus d'attaches familiales en Arménie ; que les requérants ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française et ils n'établissent pas qu'ils ne pourraient poursuivre leur vie privée et familiale dans leur pays d'origine et, en particulier, que leurs enfants ne pourraient y continuer leur scolarité ; qu'ainsi, les arrêtés contestés n'ont pas porté au droit de M. C...et Mme E...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont a été pris ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doivent être écartés ; que, pour ces mêmes motifs, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur la situation personnelle de M. C...et MmeE... ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
9. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières s'opposeraient à ce que M. C...et Mme E... retournent en Arménie avec leurs trois enfants ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés ont méconnu les stipulations du § 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier1990 ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru tenu de refuser de délivrer des titres de séjour à M. C... et MmeE... ;
Sur les décisions obligeant M. C...et Mme E...à quitter le territoire français :
11. Considérant que les décisions obligeant M. C...et Mme E...à quitter le territoire français comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir qu'elles sont entachées d'un défaut de motivation ;
Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire :
12. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ".
13. Considérant qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est identique à celui prévu à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, la méconnaissance des dispositions de cette dernière ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision prise sur le fondement du II de l'article L. 511-1.
14. Considérant, en deuxième lieu, si M. C...et Mme E...soutiennent que le délai de départ volontaire qui leur a été accordé par le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas adapté à leur situation personnelle et familiale, ils se bornent à décrire cette situation sans indiquer en quoi le délai de trente jours retenu par le préfet serait insuffisant ;
15. Considérant, en troisième lieu, que les décisions attaquées comportent une appréciation sur la situation familiale de M. C...et Mme E...et indiquent qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances l'espèce, de leur accorder un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français ; que ce faisant, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu et a suffisamment motivé ses décisions ;
16. Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
17. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut être utilement invoqué par M. et Mme G... à l'encontre des arrêtés contestés ;
Sur les décisions fixant le pays de destination :
18. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
19. Considérant que si M. C...et Mme E...soutiennent qu'ils sont menacés dans leur pays d'origine, les requérants, dont les demandes d'asile ont, au demeurant, été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'apportent aucune précision dans leur requête sur la nature des menaces dont ils y feraient l'objet ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer en tant qu'elle est présentée par M.C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...et Mme E... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., à Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC03039