Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2018, M.B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler la décision du 16 mai 2018 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a décidé son transfert vers l'Allemagne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile sous une astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son recours de première instance n'était pas tardif ;
- la décision de transfert lui a été notifiée sans indiquer l'heure de notification ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir que :
- le délai d'exécution de la décision de transfert a été porté à dix-huit mois en application du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; M. B...a été transféré le 15 octobre 2018 vers l'Allemagne ; par conséquent, il n'y a plus lieu de statuer sur la décision attaquée ; M. B...est revenu en France le 15 novembre 2018 et il a une nouvelle fois sollicité une demande d'asile ; cette nouvelle demande l'a conduit à déterminer l'Etat responsable de cette nouvelle demande ;
- la requête de première instance était tardive.
Il fait valoir que et que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 23 août 2018.
Par lettre du 18 décembre 2018, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que la formation de jugement était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert attaquée pour le motif suivant : l'expiration du délai de 6 mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, dont le point de départ est la date de lecture du jugement du tribunal administratif se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale (cf. Conseil d'Etat n° 420708 Mme A...24 septembre 2018). Il devient donc impossible d'exécuter la décision de transfert et il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de cette dernière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant afghan né le 12 août 1995, est entré en France le 15 avril 2018 pour y solliciter l'asile. Le requérant ayant auparavant déposé une demande d'asile en Allemagne, le préfet du Haut-Rhin a décidé le 16 mai 2018 de le transférer vers ce pays. M. B...a été assigné à résidence par un arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2018. Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, le requérant a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette décision. M. B...relève appel de l'ordonnance du 18 juin 2018 par laquelle le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande pour tardiveté. Par une décision du 24 juillet 2018, le délai d'exécution de la décision de transfert a été porté à dix-huit mois en application du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur l'étendue du litige :
2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation. Si, avant que le juge n'ait statué, l'administration abroge l'acte attaqué, cette circonstance prive d'objet la requête formée à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.
3. Le préfet du Haut-Rhin fait valoir que M. B...a été transféré en Allemagne le 15 octobre 2018, qu'il est revenu en France le 15 novembre 2018 pour y déposer une nouvelle demande d'examen qui est en cours et que, par conséquent, ses conclusions dirigées contre la décision contestée du 16 mai 2018 sont dépourvues d'objet. Cependant, le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé au retrait de sa décision du 16 mai 2018 ni, en tout état de cause, procédé à son abrogation. Par conséquent, la requête de M. B...conserve un objet.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, applicables en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence : " Les jugements sont rendus, sans conclusions du rapporteur public, par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Les attributions dévolues par les dispositions réglementaires du présent code à la formation de jugement ou à son président sont exercées par ce magistrat. Il peut, par ordonnance : (...) 3° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. ". Aux termes de l'article R. 777-3-1 du même code : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une décision de transfert fait courir un délai de quinze jours pour contester cette décision. II. - Conformément aux dispositions du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification simultanée d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence et d'une décision de transfert fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester la décision de transfert et, le cas échéant, celle d'assignation à résidence. ".
5. La décision du 12 juin 2018, par laquelle le préfet du Haut-Rhin a décidé d'assigner M. B...à résidence, a été notifiée à ce dernier le 12 juin 2018 à 9 h 55. Le préfet du Haut-Rhin fait valoir que cette décision et celle du 16 mai 2018, par laquelle il a décidé de transférer le requérant vers l'Allemagne, ont été notifiées en même temps. S'il ressort des mentions portées sur la décision attaquée qu'elle a été notifiée à M. B...le 12 juin 2018, ce document ne comporte aucune indication de l'heure de notification et le préfet du Haut-Rhin n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle aurait été notifiée en même tant que la décision d'assignation à résidence, soit le même jour à 9 heures 55. Par suite, la requête de première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 14 juin 2018 à 16 heures 18 ne pouvait être regardée comme étant tardive. M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur la décision de transférer M. B...vers l'Allemagne :
7. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Si M. B... a entendu faire valoir que la décision attaquée ne mentionne pas l'heure à laquelle elle lui a été notifiée, cette circonstance est sans incidence sur sa légalité.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement et constitue une garantie dont la méconnaissance est de nature à entacher d'illégalité la décision ordonnant la remise de l'intéressé à l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'annexe X au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 précise le contenu de la brochure commune prévue par le paragraphe 3 de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013.
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a bénéficié le 24 avril 2018 d'un entretien individuel au cours duquel l'ensemble des informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 lui a été communiqué en Pachtou qu'il déclare comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
10. En troisième lieu, la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Par suite, si M. B...a entendu se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 29 règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, un tel moyen doit être écarté comme étant inopérant.
11. En quatrième lieu, aux termes aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. B... fait valoir que les autorités allemandes ont rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers l'Allemagne, il sera nécessairement renvoyé en Afghanistan où il court des risques pour sa vie. Toutefois, la circonstance qu'une précédente demande d'asile présentée par le requérant aurait été rejetée par les autorités allemandes ne fait pas obstacle à une reprise en charge par ces mêmes autorités. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes auraient pris à son encontre une quelconque mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'Etat membre antérieurement responsable, l'Etat membre menant une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'Etat membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. La requête aux fins de prise en charge comporte tous les éléments dont dispose l'Etat membre requérant pour permettre à l'Etat membre requis d'apprécier la situation. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires pour examiner les raisons humanitaires invoquées et répond à l'État membre requérant, au moyen du réseau de communication électronique DubliNet établi conformément à l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. Les réponses refusant une requête doivent être motivées. Si l'Etat membre requis accède à la requête, la responsabilité de l'examen de la demande lui est transférée. ". Pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 16 mai 2018 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a décidé son transfert vers l'Allemagne. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1803713 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juin 2018 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC01800