Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2018, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office ;
2°) d'annuler cet arrêté du 11 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de ce que le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, de ce que l'obligation de quitter le territoire français était illégale dès lors qu'il peut bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, de ce que le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce que la décision fixant le pays de destination a pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Sur la légalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité dont la décision de refus de séjour est elle-même entachée
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, il ne peut faire l'objet d'une telle mesure ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, la décision fixant le pays de destination doit être annulée ;
- la décision fixant le pays de destination a pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1994 de nationalité kosovare, serait entré irrégulièrement en France le 16 janvier 2015 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 août 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 avril 2016. Par arrêté du 12 juillet 2016, M. B...a obtenu la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'au 6 juillet 2017. Le 25 avril 2017, M. B... a demandé le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 11 avril 2018, le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 25 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 avril 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B...soutient que le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de ce que le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, de ce que l'obligation de quitter le territoire français était illégale dès lors que le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce que la décision fixant le pays de destination a pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
3. A l'appui de sa demande de première instance, M. B...a soulevé ces moyens. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens qui n'étaient pas inopérants. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement est irrégulier. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon.
Sur la légalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
5. En premier lieu, en vertu d'un arrêté du préfet du Jura du 25 janvier 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Jura du 27 janvier 2017, M. Stéphane Chipponi, secrétaire général de la préfecture du Jura, était titulaire d'une délégation de signature " pour toutes les matières relevant des compétences et attributions du représentant de l'Etat dans le département, à l'exception : - des réquisitions de la force armée ; - des arrêtés déclinatoires de compétence et des arrêtés de conflit ; - des réquisitions du comptable public et des décisions de passer outre aux avis défavorables du directeur départemental des finances publiques, contrôleur financier local, en matière d'engagement des dépenses ". Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, M. D... était bien compétent pour signer l'arrêté attaqué.
6. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour contesté vise les textes dont il fait application et mentionne les faits sur lesquels il se fonde, notamment les conditions dans lesquelles M. B... est arrivé sur le territoire français et sa précédente demande de titre de séjour, sa situation de famille et les raisons pour lesquelles un titre de séjour ne pouvait lui être accordé. La décision lui refusant le séjour est ainsi suffisamment motivée. En outre, Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet s'est prononcé sur le droit au séjour du requérant après avoir examiné concrètement sa situation personnelle, et notamment les éléments en sa possession relatifs à son état de santé. Dès lors, quand bien même le préfet ne mentionne pas dans son arrêté les circonstances relatives au suivi psychiatrique et à l'emploi du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'en a pas moins procédé à un examen particulier de sa situation.
7. En troisième lieu aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ".
8. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. B...sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a estimé, conformément à l'avis émis le 28 novembre 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et produit en première instance par le préfet contrairement à ce que soutient M.B..., que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge n'aurait pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical d'un praticien hospitalier du 14 décembre 2017 produit par M. B..., qu'il bénéficie au sein de l'unité d'accueil des urgences psychiatriques du centre hospitalier de Besançon d'un suivi psychiatrique depuis juin 2015 pour une symptomatologie post-traumatique exacerbée par des traits obsessionnels. Si le certificat médical indique que le traitement médicamenteux " ne peut être interrompu sans risque de décompensation psychiatrique ", il n'en ressort toutefois pas qu'un défaut de prise en charge aurait pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité dès lors que le médecin n'évoque qu'une conséquence éventuelle à l'arrêt du traitement et qu'il n'en précise pas les conséquences concrètes concernant la situation personnelle de M.B.... Enfin, le requérant se borne à faire référence à des articles généraux relatifs à la décompensation. Dès lors, M. B...ne justifie pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui en cas d'arrêt des soins. Ainsi, et à supposer qu'il ne puisse disposer de soins dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B...était présent depuis trois ans à la date de la décision attaquée, la moitié de la durée de son séjour étant liée au délai d'instruction de sa demande d'asile. Il bénéficie depuis le 1er avril 2017 d'un contrat de travail à durée indéterminée en tant que monteur charpente métallique après avoir exercé pour une durée déterminée du 7 au 31 mars 2017. Il a également travaillé en tant qu'ouvrier bardeur du 27 octobre 2016 au 20 janvier 2017. Il dispose d'un logement qu'il loue depuis le 31 mai 2017. Cependant, si eu égard à ces circonstances, M. B... a démontré sa volonté d'insertion en France, il ne justifie pas de l'existence de liens sociaux ou familiaux qu'il entretiendrait sur le territoire français. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent encore son père et sa mère, comme il l'a indiqué dans sa demande d'asile du 23 mars 2015. En outre, comme il a été dit au point 8, M. B... ne démontre ni que l'arrêt de son traitement médical aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Dans ces conditions et en dépit des efforts d'intégration qu'il a effectués, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Jura a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que M. D... était bien compétent pour signer l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence dont serait entachée la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
14. En quatrième lieu, l'étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Cependant, il résulte de ce qui précède que M. B...ne peut pas prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce qu'il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
17. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste d'appréciation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2018 par lequel le préfet du Jura lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays vers lequel il pourra être reconduit d'office. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Jura.
N° 18NC02372