M. F...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1501417 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés sous le n° 17NC03017, les 14 décembre 2017 et 20 juin 2018, Mme B...E..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les cessions de deux appartements réalisées par la société civile immobilière (SCI) Cygogne au profit de la SCI C...ont été réalisées au prix du marché et n'ont pas été sous-évaluées ;
- la décote appliquée est justifiée par l'absence de frais de commercialisation des biens ;
- les opérations présentaient un intérêt pour la SCI Cygogne et ne caractérisent pas un acte anormal de gestion ;
- la SCI Cygogne a réalisé ces opérations en vue de sauver l'opération immobilière et non dans une intention d'évasion fiscale ;
- les pénalités ne sont pas fondées dès lors qu'il n'y a pas eu d'intention d'éluder l'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... E...ne sont pas fondés.
II.) Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés sous le n°17NC03018, les 14 décembre 2017 et 20 juin 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soulève les mêmes moyens que ceux développés par Mme B...E...dans la requête n°17NC03017.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'encontre de la requête n° 17NC03017.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
- et les observations de MeA..., substituant MeD..., représentant Mme B...E...et M.C....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 17NC03017 et 17NC03018 présentées par Mme G...B...E...et M. F... C...présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
2. La société civile immobilière (SCI) Cygogne, société de personnes qui exerçait une activité de promotion immobilière, a acquis un terrain à bâtir sur lequel elle a réalisé un immeuble de logements neufs entre 2008 et 2010. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a considéré que les cessions de trois appartements réalisées au profit de Mme B...E...et de la SCI C...avaient été faites à un prix sous-évalué par rapport à la valeur vénale des biens. L'administration a rehaussé les bénéfices de la SCI Cygogne et les a imposés entre les mains de ses associés, Mme B...E...et M.C..., en application de l'article 8 du code général des impôts. Par deux propositions de rectification du 28 juin 2012, l'administration a notifié à Mme B...E...et à M. C...dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire une imposition supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre de l'année 2010. L'administration s'est en définitive conformée à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 6 janvier 2014 en admettant l'existence d'une sous-évaluation du prix de vente pour les seuls appartements cédés à la SCI C...et en retenant la valeur vénale fixée par la commission. Mme B...E...et M. C...relèvent appel des jugements du 18 octobre 2017 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes résultant de ce redressement et mise respectivement à leur charge.
Sur le bien fondé de l'imposition :
3. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une société décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Le fait pour une société civile immobilière ayant une activité de promotion immobilière de céder des biens immobiliers à un prix notablement inférieur à leur valeur vénale constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale, sauf s'il est établi qu'en consentant un tel avantage, la société a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que la vente à un tel prix constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que l'auteur de cette prestation n'est pas en mesure de justifier qu'il a bénéficié en retour de contreparties.
4. Le 10 juin 2009, la SCI Cygogne a cédé à la SCI C...deux appartements de deux (F2) et quatre pièces (F4), d'une superficie respective de 52 m² et 97 m², situés au troisième étage de l'immeuble dont la SCI a entrepris la construction entre 2008 et 2010. La SCI C...a acquis ces deux biens pour des montants respectifs de 91 000 euros toutes taxes comprises et 169 000 euros toutes taxes comprises, soit au prix de 1 750 euros au m² pour le F2 et de 1 742 euros au m² pour le F4. Il ressort notamment de la proposition de rectification du 27 juin 2012 que pour comparer les prix consentis à la SCI C...et la valeur vénale des biens cédés, l'administration s'est fondée sur sept autres transactions conclues entre le 10 juin 2009 et le 29 décembre 2010 pour des biens situés dans le même ensemble immobilier afin de déterminer un prix moyen au m² de 2 350 euros toutes taxes comprises . L'administration a en conséquence évalué la valeur vénale des biens litigieux à ce prix et a constaté une insuffisance du prix des biens vendus à hauteur de 31 200 euros toutes taxes comprises pour le deux pièces et de 58 950 euros toutes taxes comprises pour le quatre pièces. A la suite de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 6 janvier 2014, l'administration s'est conformée à l'évaluation établie par la commission au prix de 2 100 euros toutes taxes comprises par m². Elle a en définitive fixé la valeur vénale des appartements de type F2 et F4 respectivement à 109 000 euros toutes taxes comprises et 203 700 euros toutes taxes comprises, aboutissant ainsi à une insuffisance de prix de 18 200 euros toutes taxes comprises pour l'appartement F2 et de 34 700 euros toutes taxes comprises pour l'appartement F4. En outre, il résulte de l'instruction que, comme le fait valoir l'administration, la SCI C...et la SCI Cygogne sont en relation d'intérêts dès lors que M. C...est le principal associé de la SCI C... et qu'il est associé pour moitié des parts de la SCI Cygogne.
5. Pour contester le caractère anormal de la minoration du prix de cession des biens, Mme B...E...et M. C... se prévalent d'un contrat de pré-réservation conclu le 20 octobre 2008 entre la SCI Cygogne et la société Prest'Immo concernant deux appartements au troisième étage évalués à des montants inférieurs à ceux retenus par l'administration. Cependant, ce contrat, qui n'a pas donné lieu à une vente effective, ne permet pas de déterminer le prix du marché des biens en cause. De même, le mandat de vente de l'appartement de type F2 et les actes de vente des appartements litigieux produits par la requérante conclus respectivement les 10 février et 27 mars 2014 et 2 février 2017 sont intervenus trop tardivement pour pouvoir établir la valeur vénale des biens à la date des cessions en cause, réalisées cinq et huit ans plus tôt, eu égard notamment à l'évolution du marché immobilier sur cette période. Comme il a été dit précédemment au point 4, les termes de comparaison retenus par l'administration comportent au contraire des cessions conclues entre le 30 décembre 2009 et le 29 décembre 2010, concomitamment aux acquisitions réalisées par la SCIC.... Par ailleurs, si les requérants font valoir la nécessité d'une pré-commercialisation des lots afin de permettre l'ouverture du crédit bancaire pour la poursuite des travaux, il n'est pas justifié, comme le soutient l'administration, de circonstances différentes de celles existantes lors des cessions réalisées le 30 décembre 2009 pour deux autres lots cédés à un prix moyen de 2 700 euros par m². Enfin, en admettant que des frais de commercialisation n'ont pas été exposés pour les appartements cédés à la SCIC..., cette circonstance ne suffit pas, par elle-même, à expliquer les écarts de prix entre les valeurs vénales issues de l'évaluation établie par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et celles sur la base desquelles les cessions ont été conclues. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'administration établit que la minoration des prix convenus entre la SCI Cygone et la SCI C...par rapport à la valeur vénale des deux appartements en cause estimée par l'administration constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale pour une société civile immobilière.
6. Pour justifier de l'intérêt pour la SCI Cygogne de céder à un prix minoré les biens en cause, Mme B...E...et M. C...se prévalent de la défaillance d'acheteurs qui a contraint les associés de la SCI à acquérir des logements afin de permettre l'ouverture du prêt bancaire et la poursuite des travaux. Il résulte de l'instruction que le contrat de prêt conclu le 23 septembre 2008 par la SCI Cygogne a pour objet un crédit d'accompagnement avec terme final le 31 août 2011, comprenant une clause particulière qui subordonne la mise en jeu du crédit à la condition de la pré-commercialisation de lots à hauteur de 650 000 euros sous forme de contrats de réservation. Il ressort des contrats de pré-commercialisation produits par les requérants que la SCI Cygogne a conclu avec des tiers des réservations pour un montant total de 860 000 euros entre le 20 octobre 2008 et le 9 juin 2009. Si les requérants arguent de la défaillance de deux d'entre eux, ils n'établissent pas la réalité de la résiliation des contrats de réservation. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas qu'à la date des cessions en litige, le 10 juin 2009, la SCI Cygogne a été contrainte à céder à ses associés des lots de son programme immobilier à un prix minoré en vue d'atteindre le seuil de pré-commercialisation fixée par la banque pour l'ouverture de son crédit. Il s'ensuit que les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, d'un intérêt pour la SCI Cygogne d'accorder à la SCI C...une minoration du prix de cession des deux logements.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de rechercher si la SCI Cygogne avait une intention d'évasion fiscale, que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du caractère anormal des cessions en litige dès lors que les requérants ne justifient pas que l'appauvrissement de la SCI Cygogne qui en a résulté a été décidé dans l'intérêt de cette société civile immobilière, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder aux cessions à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie. Par suite, l'administration était fondée à réintégrer la somme correspondant à cet avantage dans le résultat de la société cédante et à imposer par voie de conséquence Mme B...E...et M. C...dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de la quote-part de leurs droits sociaux dans le capital de la SCI.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1 729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".
9. Eu égard à l'importance des écarts existant entre les prix de cession et les valeurs vénales réelles, à la qualité de professionnelle de l'immobilier de Mme B...E...et de M. C..., associés de la SCI Cygogne et aux liens étroits existants entre cette société et M. C..., l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention des requérants d'éluder l'impôt. Par suite, elle établit le bien-fondé de l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré.
10. Il résulte de tout ce qui précède, Mme B... E...et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme B... E...et de M. C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B...E..., à M. F...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC03017,17NC03018