Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2018, le préfet de la Marne demande à la cour d'annuler ce jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 16 février 2018 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeB..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et lui a enjoint de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour pour soins de cette dernière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Il soutient que sa décision refusant le renouvellement du titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, Mme C...B..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Marne ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...B..., née en 1947 de nationalité arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 24 octobre 2011. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2013. Par arrêté du 13 novembre 2013, dont la légalité a été confirmée par une décision de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 avril 2015, le préfet de la Marne a refusé le séjour à Mme B...et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 23 mars 2014, Mme B...a déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. L'intéressée a obtenu une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois puis un titre de séjour d'une durée d'un an régulièrement renouvelé jusqu'au 8 octobre 2017. Le 18 août 2017, Mme B...a demandé le renouvellement de son titre de séjour toujours en raison de son état de santé. Par arrêté du 16 février 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Marne relève appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté du 16 février 2018 et lui a enjoint de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour pour soins de Mme B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis, le 5 février 2018, un avis aux termes duquel l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical du 8 mars 2018 et d'une ordonnance du 19 décembre 2017 d'un médecin psychiatre de l'établissement de santé mentale de la Marne, que l'intéressée souffre de troubles psychotiques graves, " qu'elle est hallucinée en permanence " et " qu'elle est incapable de s'occuper d'elle-même sans une aide familiale constante ". Elle bénéficie d'un traitement médicamenteux comprenant des neuroleptiques et des anxiolytiques. Le médecin psychiatre ne précise pas dans ce certificat du 8 mars 2018, au demeurant postérieur à la décision attaquée, la nature ou la gravité des conséquences attachées à une privation de soins. S'il indique un risque vital pour Mme B...en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort du certificat que ce risque est évoqué concernant son appartenance à la communauté yézide et les persécutions qu'auraient subies sa famille en Arménie. Il n'est en effet pas indiqué les conséquences directes pour Mme B...de l'arrêt de son traitement médicamenteux. Mme B...se prévaut en outre en appel d'une attestation du 24 mai 2018 du chef du pôle universitaire de psychiatrie de l'établissement public de santé mentale de la Marne qui atteste voir la requérante en consultation depuis le 4 avril 2018, soit postérieurement à la décision attaquée. Dans ces conditions, les éléments produits devant le tribunal et en appel par Mme B...ne sont pas de nature à infirmer l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et l'appréciation du préfet de la Marne. Par suite, le préfet de la Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le préfet est fondé à soutenir que le tribunal administratif s'est fondé à tort sur ce motif pour annuler l'arrêté en litige.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est ainsi suffisamment motivé. Il ne résulte pas des termes mêmes de l'arrêté que le préfet, qui a rappelé le parcours de Mme B...et a évoqué la présence de sa fille en France, aurait manqué à son obligation d'examen attentif et approfondi de la situation personnelle de l'intéressée.
6. En deuxième lieu, le préfet a pris en considération la présence en France de la fille de Mme B...ainsi que des éléments médicaux qu'il avait en sa possession lors de l'instruction de la demande de renouvellement du titre de séjour. Il a également analysé les risques qu'encourt l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur de fait.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que MmeB..., présente en France depuis six ans à la date de l'arrêté attaqué, n'a pas exécuté la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 13 novembre 2013 et dont la légalité a été confirmée par une décision de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 avril 2015. Elle s'est irrégulièrement maintenue sur le territoire français jusqu'au 15 juillet 2015, date à laquelle elle a obtenu une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois en raison de son état de santé. Mme B...s'est vue ensuite délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an régulièrement renouvelé jusqu'au 8 octobre 2017 en raison de son état de santé. Si Mme B...soutient que la présence de sa fille est nécessaire à ses côtés pour l'aider dans ses actes du quotidien, il ressort des pièces produites par la requérante qu'elle est hébergée depuis 2015 dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale et qu'elle a bénéficié d'une aide financière de la commune de Reims en janvier et février 2018 dans le cadre de son hébergement dans une résidence. Ainsi, à la date de la décision attaquée, il n'est ni établi que l'établissement où réside Mme B...est médicalisé ni que la fille de MmeB..., qui réside dans un centre d'hébergement, lui apporterait une aide quotidienne. En outre, la fille de Mme B...ne dispose que d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois régulièrement renouvelée en tant qu'accompagnant d'étranger malade, dont le dernier titre arrivait à échéance le 6 mars 2018. La régularité du séjour en France de la fille de Mme B...est ainsi directement liée au titre de séjour de sa mère. La circonstance que le mari de la fille de Mme B...est décédé d'une insuffisance coronarienne aiguë après son retour volontaire en Arménie ne démontre pas les risques qu'encourrait la requérante en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2013. Par ailleurs, Mme B...ne justifie pas des liens qu'elle aurait tissés en France depuis son arrivée et ne démontre pas être dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 64 ans. Comme il a été dit précédemment, Mme B...ne sera pas isolée en cas de retour dans son pays d'origine, sa fille n'ayant pas vocation à demeurer en France. Par suite, eu égard à ces éléments, l'arrêté refusant le séjour et obligeant Mme B...à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de la requérante.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 16 février 2018 et lui a enjoint de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour pour soins de Mme B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées devant le tribunal administratif.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 juin 2018 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de Mme B...présentées devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...B....
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N° 18NC02058