Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 19 novembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C....
Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme C... était dispensée de la condition de ressources prévue à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'est pas atteinte d'une incapacité au taux d'au moins 80 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2021, Mme D... C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable en l'absence de critique du jugement attaqué ;
- la dispense de condition de ressources concerne tous les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés, y compris si elle ne leur a pas été délivrée sur le fondement de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me A... pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité nigériane, née en 1986, est entrée en France, en 2006, sous couvert d'un passeport en cours de validité, revêtu d'un visa D " vie privée et familiale " valable un an à compter du 3 février 2016. Son titre de séjour a été régulièrement renouvelé. Par un courrier du 13 avril 2018, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident longue durée UE d'une durée de dix ans sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 23 avril 2018, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande de carte de résident tout en lui délivrant une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée de deux ans. Par un jugement du 19 novembre 2020, dont le préfet de la Moselle fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. / Les années de résidence sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " retirée par l'autorité administrative sur le fondement d'un mariage ayant eu pour seules fins d'obtenir un titre de séjour ou d'acquérir la nationalité française ne peuvent être prises en compte pour obtenir la carte de résident ; / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés (...). ". Selon les dispositions de l'article L. 821-2 du même code : " L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : / 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; (...) ". Aux termes de l'article D. 821-1 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. / Pour l'application de l'article L. 821-2 ce taux est de 50 % ".
4. Si les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale prévoient des conditions différentes pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, elles n'instituent pas deux allocations distinctes. La loi du 20 novembre 2007, en modifiant l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a dispensé celui qui demande le bénéfice du regroupement familial de la condition tenant à l'existence de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, dans le cas où il est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés. Le législateur, en faisant alors référence au seul article L. 821-1, n'a pas entendu limiter le champ de la dérogation qu'il instituait aux seuls titulaires de l'allocation aux adultes handicapés qui en bénéficient au titre de l'article L. 821-1, mais a entendu viser l'ensemble des personnes titulaires de cette allocation.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 8 janvier 2018, que l'allocation adulte handicapée a été attribuée à Mme C..., pour la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2019, sur le fondement de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale. Par suite, eu égard à ce qui a été indiqué au point 5, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressée au motif qu'elle ne satisfaisait pas à la condition de ressources prévues par les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme C..., que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 23 avril 2018 refusant de délivrer à Mme C... carte de résident longue durée UE d'une durée de dix ans.
Sur les frais de l'instance :
7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour Mme D... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
N° 20NC03581 2