Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mars 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903813 du tribunal administratif de Strasbourg du 1er octobre 2019 ;
2°)d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 15 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et, durant ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... est un ressortissant turc, né le 13 octobre 1968. Il est entré régulièrement en France, en dernier lieu, le 15 septembre 2017, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de type C avec entrées multiples, valable du 15 septembre au 15 octobre 2017, l'autorisant à circuler et à séjourner au sein de l'espace Schengen pour une durée maximale de seize jours. Le 29 novembre 2018, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 15 avril 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 avril 2019. Il relève appel du jugement n° 1903813 du 1er octobre 2019, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour le préfet et par délégation ", par M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin. Or, par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié le lendemain au recueil spécial n°46 des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin, le préfet du Haut-Rhin a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet de signer, en toutes matières, tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les mesures prises en matière de séjour et d'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de la décision en litige manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, contrairement aux allégations de M. C..., elle précise les raisons pour lesquelles le refus de délivrance du titre de séjour sollicité ne porterait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé. Dans ces conditions, la décision en litige doit être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque également en fait et ne peut, dès lors, être accueilli.
4. En troisième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a épousé, le 20 novembre 2012 au consulat de Turquie à Strasbourg, une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 1er mars 2027. Dans ces conditions, le requérant entrant dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions en cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Entré sur le territoire français, en dernier lieu, le 15 septembre 2017 à l'âge de quarante-quatre ans, M. C... fait valoir que, depuis son retour en France, il vit à Saint-Louis avec son épouse et leur fille mineure, née le 31 août 2011, qu'il contribue à l'éducation de cette dernière, spécialement en allant la chercher à l'école, et qu'il a signé, le 22 avril 2018, un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de cuisinier pour subvenir aux besoins de sa famille. Toutefois, le requérant, qui a été éloigné à destination de la Turquie le 17 décembre 2014, a vécu séparé de sa conjointe et de leur enfant pendant plus de deux ans et demi, qu'il ne justifie pas de son intégration en France et qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent notamment sa mère et un frère. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés seraient dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale en Turquie, ni que leur fille ne pourrait y poursuivre une scolarité normale. Inversement, il n'est pas établi, ni même allégué, que les conditions permettant à M. C... de bénéficier, le cas échéant, d'une mesure de regroupement familial en France ne seraient pas réunies en l'espèce, ni que l'intéressé entretiendrait avec sa conjointe et leur enfant une relation telle qu'elle ferait obstacle à toute séparation, même temporaire, rendue nécessaire par l'instruction d'une telle demande de regroupement à son profit. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...). ".
9. La décision portant refus de délivrance à M. C... d'un titre de séjour étant suffisamment motivée, ainsi qu'il ressort du point 3 du présent arrêt, la décision en litige n'avait pas, contrairement aux allégations du requérant, à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée ne peut être accueilli.
10. En deuxième lieu, M. C... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester la légalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre, d'une méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. Par suite, un tel moyen doit être écarté comme inopérant.
11. En troisième et dernier lieu, pour les raisons exposées au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 15 avril 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. A... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC00669 5