Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2021, Mme A..., représentée par Me Eca, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 27 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai déterminé avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors notamment que le préfet se borne à reprendre les termes de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié de sa pathologie au Congo ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- il méconnaît les stipulations des articles 3, 8 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2021
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 26 novembre 1983, est entrée sur le territoire français selon ses déclarations le 10 avril 2016. Elle a présenté, le 10 février 2017, une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 juillet 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 octobre 2019. Le 2 décembre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 novembre 2020, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... fait appel du jugement du 22 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, la décision attaquée, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle de la requérante, précise les dispositions légales sur lesquelles elle s'appuie et rappelle les principaux éléments de la situation administrative de Mme A..., notamment sa date d'arrivée en France et sa précédente demande d'asile. Le préfet précise également, en s'appropriant, tel qu'il pouvait le faire, le contenu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié en République démocratique du Congo. Par suite, le préfet de de Moselle a suffisamment motivé son arrêté.
3. En deuxième lieu, à considérer que la requérante ait entendu se prévaloir d'un tel moyen, il ne ressort ni des énonciations de la décision contestée, ni des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait estimée en situation de compétence liée au regard de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En l'espèce, l'avis du collège des médecins de l'OFII du 12 octobre 2020 précise que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle pouvait voyager sans risque.
6. Il résulte des pièces du dossier que Mme A... souffre d'une infection à un papillomavirus. Cependant, pour contester la possibilité de bénéficier d'un traitement adapté en République démocratique du Congo, elle se borne à produire des articles de presse témoignant de la situation sanitaire générale qui y prévaut, ainsi que des certificats médicaux ne se prononçant pas sur la disponibilité de traitements appropriés à sa pathologie dans ce pays. La requérante indique également qu'elle ne pourrait plus bénéficier, en raison de son départ depuis plus de quatre ans, de prestations sociales dans ce pays, mais elle n'apporte aucun élément au soutien de ces allégations. Enfin, si la requérante fait état de ce que son état de santé se serait dégradé, elle se borne sans plus d'explications à produire un compte-rendu de césarienne et une convocation à un rendez-vous pour une IRM et n'apporte ainsi aucune précision utile quant à une telle dégradation et quant à l'impossibilité de disposer, de ce fait, d'un traitement approprié. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, Mme A... est entrée en France en avril 2016 à l'âge de 32 ans. Elle ne verse au dossier aucun élément permettant d'établir une intégration sociale ou professionnelle particulière. Il ressort néanmoins des pièces du dossier que Mme A... entretient depuis 2019 une relation avec M. B..., ressortissant angolais disposant d'une carte de résident en qualité de réfugié. Mme A... justifie vivre en concubinage avec M. B... depuis le mois de janvier 2020 et avoir donné naissance à leur enfant le 15 septembre 2020, soit quelque trois mois avant l'arrêté litigieux. Toutefois, eu égard au caractère récent de la relation ainsi que du concubinage et de la naissance de leur enfant et compte tenu de la faculté pour Mme A... de présenter une demande de regroupement familial voire pour M. B... d'accompagner la requérante dans le pays dont cette dernière a la nationalité, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligeant Mme A... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne portent pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an prive Mme A... C... la possibilité de bénéficier rapidement d'une procédure de regroupement familial et porte, dans les circonstances de l'espèce, au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. La requérante est ainsi uniquement fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 8 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ". Aux termes du 1. de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant ".
9. La requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés.
10. En sixième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Eu égard à la possibilité pour M. B... de solliciter rapidement le bénéfice du regroupement familial en faveur de Mme A... et, le cas échéant, d'accompagner la requérante en République démocratique du Congo, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligeant Mme A... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. En revanche, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an prive Mme A... C... la possibilité de bénéficier rapidement d'une procédure de regroupement familial et méconnaît ainsi ces dispositions.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur l'interdiction de retour sur le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui annule uniquement la décision interdisant à Mme A... le retour sur le territoire français pendant un délai d'un an, n'implique pas qu'il soit délivré un titre de séjour à Mme A..., ni réexaminé sa demande de titre de séjour. Les conclusions à fin d'injonction de Mme A... doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Eca, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Eca de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Moselle du 27 novembre 2020 est annulé en tant qu'il interdit à Mme A... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 2 : Le jugement n° 2007769 du 22 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Eca, avocat de Mme A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Eca renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 21NC00507