Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, M. A... B..., représenté par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004113 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 27 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure éloignement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est un ressortissant ukrainien, né le 15 janvier 1952. Après avoir résidé sur le territoire français du 27 septembre 2016 au 11 avril 2019 et avoir vainement sollicité, à plusieurs reprises, l'autorisation d'y séjourner en qualité d'étranger malade ou d'ascendant à charge de Français, le requérant est retourné dans son pays d'origine, avant de revenir en France le 20 octobre 2019. Le 9 décembre suivant, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de
l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 31 mars 2020, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 27 mai 2020, a refusé de faire droit à la demande de l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2004113 du 29 janvier 2021 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à M. B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 31 mars 2020. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. M. B... fait valoir qu'il souffre d'un diabète insulino-dépendant, d'un lymphoedème des membres inférieurs avec des plaies suintantes chroniques, d'une surdité congénitale et d'une hypertension déséquilibrée. Il allègue également éprouver des difficultés à se déplacer en raison de l'amputation d'un orteil. Toutefois, il se borne à produire deux certificats médicaux de son médecin traitant, datés des 7 janvier et 7 novembre 2019, qui ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet sur sa capacité à voyager sans risque à destination de l'Ukraine et à y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses différentes pathologies. Par suite, alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'intéressé serait dans l'incapacité de se soigner et de se nourrir correctement sans l'aide de son fils de nationalité française, ni de bénéficier, le cas échéant, de l'assistance d'une tierce personne dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., après un premier séjour du 27 septembre 2016 au 11 avril 2019, est arrivé en France, en dernier lieu, le 20 octobre 2019 à l'âge de soixante-sept ans. S'il se prévaut de la présence à Mulhouse de son fils unique, né le 12 décembre 1977, qui assure son hébergement et sa prise en charge, il est constant que celui-ci, qui réside sur le territoire français depuis 1999 et a acquis la nationalité française le 11 décembre 2009, a vécu séparé de son père pendant de nombreuses années et a constitué sa propre cellule familiale. M. B... ne justifie d'aucune autre attache familiale ou personnelle, ni d'une intégration particulière en France. Divorcé le 14 décembre 2004, le requérant n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Il ne démontre pas davantage que, en raison de sa surdité, seul son fils, sourd également, est en mesure de communiquer avec lui. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. En troisième et dernier lieu, pour les raisons exposées aux points précédents, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions, alors en vigueur, du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
9. En second lieu, le requérant ne pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
11. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le retour de M. B... en Ukraine l'exposerait nécessairement à une détérioration rapide de son état de santé. Par suite et en tout état de cause, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 27 mai 2020, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N° 21NC01984 2