Par une requête, enregistré le 19 novembre 2020, M. et Mme B..., représentés par la société d'avocats Alerion, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1806910/1-2 du 22 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la société SEIH est une société civile par la forme qui a opté lors de sa constitution pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, de sorte que la rémunération de ses gérants doit être imposée dans la catégorie des traitements et salaires ;
- les conditions de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés doivent être appréciées à la date de l'option, laquelle, concomitante à la date de constitution de la société, présente un caractère irrévocable et ne saurait être remise en cause ;
- la société SEIH, qui ne peut être regardée comme une holding animatrice, exerce une activité civile et non une activité commerciale dans la mesure où elle ne dispose pas du pouvoir d'ingérence dans la gestion de ses filiales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jurin,
- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,
- et les observations de Me Mathiotte, avocat de M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., cogérants non salariés de la société civile immobilière SEIH, ont déclaré leurs rémunérations de mandataires sociaux dans la catégorie des traitements et salaires au titre des années 2013 et 2014. L'administration, estimant que ces rémunérations devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, leur a notifié des rectifications, selon une procédure contradictoire d'imposition, puis mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus. M. et Mme B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de ces impositions. Ils relèvent appel du jugement ayant rejeté leur demande.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. L'article 206 du code général des impôts, relatif à l'impôt sur les sociétés, dispose : " (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. / (...) / 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) b. Les sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 ; (...) ". Aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". En vertu de l'article 211 du même code, les sociétés civiles ayant exercé l'option pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés peuvent déduire de leurs bénéfices les rémunérations versées à leur gérant et ces sommes sont sommes sont soumises à l'impôts sur le revenu au nom des bénéficiaires dans les conditions prévues à l'article 62 du code général des impôts. Par ailleurs, pour déterminer la catégorie d'imposition à l'impôt sur le revenu des revenus d'un contribuable, il y a lieu de sa placer à la date du fait générateur de l'imposition, soit au 31 décembre de chaque année civile.
3. L'administration fiscale a estimé que la société SEIH exerçait une activité commerciale et qu'elle était soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés, de sorte que les rémunérations perçues par M. et Mme B... devaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts. Contrairement à ce que soutiennent les contribuables l'option pour l'impôt sur les sociétés exercée par la société SEIH lors de sa constitution, le 19 novembre 2013, ne faisait pas obstacle à l'imposition de ses gérants dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application de l'article 92 du code général des impôts, à condition qu'il soit établi que cette société exerce une activité commerciale la rendant passible de l'impôt sur les sociétés, au 31 décembre de chacune des années d'imposition en litige.
4. M. et Mme B... font également valoir que la société SEIH n'exerce pas une activité commerciale mais une activité civile. Toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, les statuts de la société SEIH ont lors de sa constitution le 22 novembre 2013 défini son activité de holding comme comprenant l'acquisition et la gestion de ses filiales, l'animation et la direction de ses filiales ainsi que le concours à leur développement et leur gestion administrative et financière. D'autre part, en raison de l'absorption de la société CEIH, filiale de la société SEIH, quelques jours après sa constitution, et quand bien même le délai d'opposition des créanciers, qui est de 30 jours, aurait expiré 30 jours après la dissolution de CEIH, la société SEIH a repris les conventions de prestations de services et d'assistance technique conclues avec ses trois filiales et sous-filiales. Ces prestations de services consistent en de l'assistance commerciale, et également de l'assistance financière, administrative et comptable. En effet, selon le chapitre I " exposé " de la convention de prestation et d'assistance conclue avec la société Ideal Hotel, une des filiales : " La société SEIH est une société holding qui a pour objet la prise de participation dans des sociétés exploitant notamment une activité hôtelière. Dans ce cadre en vue notamment d'optimiser la rentabilité du groupe ainsi constitué, la société SEIH a un certain nombre de compétences en matière de gestion hôtelière et propose à ses filiales directement ou indirectement d'utiliser par la mise à disposition de moyens humains et matériels, ce savoir-faire en divers domaines liés spécifiquement à l'hôtellerie. A cet effet, la société SEIH dispose d'une équipe de salariés compétents dans les domaines notamment administratif, juridique, commercial, comptable et gestion ". L'article 3 relatif aux obligations et responsabilité de la société Ideal Hotel prévoit en outre que : " (...) en sa qualité de société du groupe, la société Ideal Hotel s'oblige à respecter la politique générale de celui-ci telle qu'elle est définie par la société SEIH en sa qualité de holding, animatrice de groupe. Pour mener à bien sa mission, la société Ideal Hotel s'engage à laisser aux intervenants de la société SEIH l'accès à l'ensemble de ses documents comptables, financiers, commerciaux ou autres et plus généralement tous moyens nécessaires à sa mission ". Les conclusions conclues avec les autres filiales prévoient également que les prestations rendues aux filiales sont effectuées " dans la perspective d'optimiser la rentabilité du groupe ". A ce titre, la société SEIH intervient pour les approvisionnements et les achats. Elle met également à disposition des moyens humains et matériels au profit de ses filiales et comprenaient en outre six salariés et les deux co-gérants, ce qui correspondait à une masse salariale de 269 296 € en 2013 et de 756 610 € en 2014. Enfin, les prestations de service réalisées par la société SEIH au profit de ses filiales ont représenté respectivement 12,02 % et 93 % de ses produits des exercices clos en 2013 et 2014. Ainsi, il résulte de l'instruction que la société SEIH n'a pas pendant la période en litige une simple activité de détention de parts sociales et son activité ne se limite pas à de simples appuis comptables ou juridiques. Au contraire, la société SEIH participe de manière active à l'activité commerciale de ses filiales dans le but d'augmenter les profits réalisés par celles-ci et doit, en conséquence, être regardée comme ayant réalisé des actes de commerce relevant de l'article 34 du code général des impôts et exerçant par suite une activité commerciale au 31 décembre des années 2013 et 2014. Les rémunérations de ses gérants ne pouvaient dès lors être imposées dans la catégorie des traitements et salaires, l'assujettissement de la société SEIH ne résultant pas de l'option d'une société civile exerçant une activité la plaçant hors du champ d'application de cet impôt.
Sur la garantie contre les changements de doctrine :
5. Les requérants entendent se prévaloir du paragraphe 460 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-40-30-10-20. Toutefois ce moyen est inopérant, ces dispositions qui concernent l'impôt de solidarité sur la fortune n'étant pas applicables dans le cadre du présent litige.
6. Les requérants entendent se prévaloir du paragraphe 340 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-RSA-GER-10-30-20120912, lequel précise que " lorsque l'option pour l'IS est exercée par une société civile visée à l'article 8-1° du CGI ou par une SCP visée à l'article 8 ter du même code, les rémunérations allouées aux associés qui sont déductibles des bénéfices sociaux en application des dispositions de l'article 211 du CGI, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des rémunérations mentionnées à l'article 62 du même code. ". Il résulte toutefois des éléments mentionnés aux points 2 à 5 que la société SEIH n'était pas visée par ces articles du code général des impôts et n'a pu exercer l'option mentionnée, étant assujettie de plein droit à l'impôt sur les sociétés. Dès lors, le moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.
La rapporteure,
E. JURINLe président de chambre,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03480