Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2020, M. E... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 20 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne remet pas en cause la présomption d'authenticité du jugement supplétif ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'a pas eu d'intention frauduleuse.
Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2020, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations en 2018. L'intéressé s'étant présenté comme mineur isolé, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Territoire de Belfort, en vertu d'une ordonnance de placement provisoire du Procureur de la République du 9 avril 2018. Il a déposé, le 12 octobre 2018, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 octobre 2019, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par un jugement du 20 février 2020, dont M. B... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ".
3. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
4. Il est constant qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B... a présenté un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 12445 de la République de Guinée établi au nom de E... Diakate, et la transcription de ce jugement en date du 9 octobre 2019 à l'état civil, au vu desquels il serait né le 20 mai 2001 à Conakry.
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à l'intéressé au motif que sa minorité n'était pas établie, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur les résultats de l'analyse de la cellule de lutte contre la fraude documentaire de la police aux frontières qui, après avoir relevé que ces documents, à usage interne, n'étaient pas établis sur du papier sécurisé, a mis en évidence que les cachets humides, dont les originaux utilisés à titre de comparaison n'ont pas été reportés dans le rapport pour des raisons de sécurité, qui étaient apposés sur ces deux documents, n'étaient pas conformes à ceux usuellement utilisés par les autorités guinéennes, que les fonctions du magistrat mentionné dans le jugement supplétif n'étaient pas précisées et que la signature apposée par un juriste du ministère des affaires étrangères guinéen était falsifiée, établissant ainsi leur caractère contrefait. Ce service a également relevé d'autres anomalies, qui pour éviter leur rectification à l'avenir, n'ont pas été mentionnées. Contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions précitées n'impliquent pas nécessairement que le préfet saisisse les autorités guinéennes afin d'établir notamment que les cachets humides avaient bien été apposés par leurs services alors que les éléments en sa possession permettaient de douter sérieusement du caractère probant du jugement supplétif et de sa retranscription à l'état civil. Au surplus, il est constant qu'en vertu des stipulations de la convention de la Haye du 5 janvier 1981, pour produire des effets en France, les actes d'état civil étranger doivent faire l'objet d'une double légalisation, laquelle faisait défaut en l'espèce. Ainsi, compte tenu des anomalies relevées par le service de fraude documentaire et de l'absence de légalisation des documents produits par M. B..., le préfet de la Moselle a pu légalement en déduire que l'intéressé n'apportait pas la preuve de sa minorité lorsqu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans
6. Si M. B... se prévaut de sa bonne intégration sociale et professionnelle, notamment du sérieux de son apprentissage, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré récemment en France en 2018, qu'il est célibataire et sans charge de famille. S'il allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, notamment en raison du décès de ses parents, il n'apporte aucun élément pour l'établir. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Haute-Saône n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité du refus de délivrer un titre de séjour à M. B... n'est pas établi. Le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de son illégalité pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
8. Aux termes du sixième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Il ressort des motifs de la décision en litige que pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an à l'encontre de M. B..., le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur le fait qu'il avait sciemment fourni de faux documents pour se faire passer pour un mineur, qu'il était présent depuis 18 mois seulement en France, ne pouvant ainsi justifier de liens suffisamment stables et anciens sur le territoire, et qu'il avait dissimulé sa véritable identité en fournissant de faux documents, ce qui constituait un trouble à l'ordre public. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ne pouvait ignorer le caractère irrégulier du jugement supplétif et de l'extrait de l'état civil dont il s'est prévalu. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Haute-Saône n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Saône.
N° 20NC01172 2