Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2020, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906864 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet du Bas-Rhin s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 février 2019 ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant fixation du pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C... est un ressortissant mauricien, né le 3 septembre 1980. Il est entré régulièrement en France, le 30 octobre 2013, sous couvert de son passeport en cours de validité. S'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de trois mois, il a fait l'objet, le 25 février 2014, d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1400977 du 28 février 2014 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg. En conséquence de sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade du 5 mars 2014, il a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour de six mois pour se soigner en France. Le 7 août 2018, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 février 2019, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 26 juin 2019, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 juin 2019. Il relève appel du jugement n°1906864 du 14 novembre 2019, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".
3. D'une part, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Bas-Rhin, qui a pu légalement s'approprier les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 février 2019, sans renoncer à exercer son pouvoir d'appréciation, s'est estimé à tort lié par cet avis. Par suite, et alors que l'autorité préfectorale a pris soin d'indiquer dans sa décision qu'elle rejetait la demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, dont elle était saisie, " après un examen attentif de la situation de M. C... ", le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande du requérant tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 février 2019. Or, selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. M. C... fait valoir qu'il souffre d'une hépatite C, avec un risque de cancer du foie, qui a conduit à son hospitalisation en novembre 2018 et qui requiert un suivi régulier auprès d'un médecin généraliste, à raison de deux fois par mois, depuis le 5 novembre 2013. Il produit notamment, au soutien de ses allégations, un courrier du 27 octobre 2016, adressé à son médecin traitant par un médecin du département d'hépato-gastroentérologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui décrit sa pathologie et le traitement antiviral mis en oeuvre, ainsi que deux certificats médicaux des 28 février 2014 et 9 décembre 2016, établis par un praticien hospitalier et par son médecin traitant, concluant, de façon péremptoire et sans aucune précision, à l'absence de disponibilité effective sur le territoire mauricien des soins nécessités par son affection. Le requérant se prévaut également de trois documents à caractère général concernant respectivement le caractère endémique du virus de l'hépatite C, les établissements de santé et le système de sécurité à l'île Maurice. Toutefois, alors que le préfet du Bas-Rhin verse aux débats un article issu d'un journal mauricien et daté du 28 juillet 2016 faisant état de l'existence dans ce pays de plusieurs traitements disponibles contre le virus de l'hépatite C et de quatre centres d'accueil et d'écoute dédiés aux personnes souffrant d'une telle pathologie, les éléments médicaux apportés par M. C... ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité préfectorale sur la disponibilité effective des soins dans le pays d'origine et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'ayant pas examiné d'office si l'intéressé pouvait être admis à séjourner sur un tel fondement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est arrivé en France, le 30 octobre 2013, à l'âge de trente-trois ans. Célibataire et sans enfant à charge, il a uniquement été admis à séjourner en qualité d'étranger malade et n'a donc pas vocation à demeurer sur le territoire français. S'il se prévaut de la présence régulière en France de sa soeur, qui l'héberge, et de sa mère, il est constant que la première, de nationalité française, y a constitué sa propre cellule familiale et que la seconde, titulaire d'une carte de résident, y vit depuis 2002 et a donc vécu séparée de son fils pendant plusieurs années. M. C..., qui allègue être francophone, n'apporte aucun élément permettant d'apprécier son intégration dans la société française. Il ne démontre pas davantage que sa présence aux côtés de sa mère âgée serait indispensable. Enfin, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où réside notamment son frère. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir de régularisation du préfet du Bas-Rhin.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
10. De même, eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
11. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 juin 2019. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 20NC01269 2