Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, M. E... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prolongé son interdiction de retour pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision implicite de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien, né en 1963, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations en 2011, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 juin 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 mars 2014. Par un arrêté du 16 février 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le recours en annulation contre cette décision a été rejeté par le tribunal administratif de Nancy puis par la cour administrative d'appel de Nancy. Par un arrêté du 25 avril 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Le 21 août 2018, M. C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Cette demande a été implicitement rejetée par le préfet de Meurthe-et-Moselle en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 27 février 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par un jugement du 5 décembre 2019, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour et de celle par laquelle il a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français prononcé à l'encontre du requérant.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges.
3. Si le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement rejeté la demande d'admission exceptionnelle présentée par M. C... le 21 août 2018, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. M. C... se prévaut à l'encontre de la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour de la durée de sa présence en France, de ses efforts d'intégration, de ses possibilités d'insertion professionnelle et du fait qu'il dispose d'un logement dont il assume les charges. Toutefois, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... est présent en France depuis 2011, il ne justifie pas de l'existence de liens d'une particulière intensité en France. La circonstance que l'intéressé pourrait s'insérer professionnellement n'est pas de nature à, elle seule, à lui conférer un droit à un titre de séjour " vie privée et familiale ". En outre, son épouse, qui fait également l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire, et ses filles, majeures, qui sont aussi en situation irrégulière, n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français. Par ailleurs, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de quarante-huit ans dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu d'attaches. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précitées.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français, une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision de prolongation de l'interdiction de retour doit, comme la décision initiale d'interdiction de retour, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi.
11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.
12. La décision en litige, qui a rappelé que M. C... est entré en France en 2011 et les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que l'intéressé a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative, en dépit desquelles il s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire français, qu'il n'a pas établi avoir tissé en France des liens personnels et familiaux intenses et anciens. Cette décision, dont il ressort la prise en compte par le préfet de la situation particulière de M. C... au vu de l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées, est suffisamment motivée. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision du 27 février 2019 prolongeant de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés.
13. Il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris en considération, pour fixer la durée de la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français, de l'ancienneté de l'entrée en France de M. C..., de ses liens familiaux sur le territoire, notamment de la présence de son épouse, et de la non-exécution de deux précédentes obligations de quitter le territoire français prononcées le 16 février 2015 et le 25 avril 2017 qu'il n'a jamais exécutées. Si le requérant se prévaut de la présence de ses filles en France, celles-ci sont également en situation irrégulière et n'ont donc pas vocation à rester durablement sur le territoire. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en prolongeant de deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts, n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction ainsi que celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC01295 2