Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, sous le n° 20NC01343, M. B... G..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001801-2001802 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mai 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 février 2020 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en applications des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- la préfète du Bas-Rhin n'a procédé à aucun examen individuel de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
II. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, sous le n° 20NC01344, Mme A... I..., épouse G..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001801-2001802 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mai 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 février 2020 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en applications des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- la préfète du Bas-Rhin n'a procédé à aucun examen individuel de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 18 août 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20NC01343 et 20NC01344, présentées pour M. B... G... et Mme A... I..., épouse G..., concernent la situation d'un même couple d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme G... sont des ressortissants géorgiens, nés respectivement le 8 octobre 1971 et le 26 février 1973. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France, en dernier lieu, les 16 et 20 octobre 2018, accompagnées de leurs deux filles nées le 8 février 2000 et le 23 décembre 2015. Ils ont présenté chacun une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 mars 2019 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mai 2019. En conséquence de ces refus, la préfète du Bas-Rhin, par deux arrêtés du 21 février 2020, a refusé de leur délivrer l'attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme G... ont saisi chacun le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 21 février 2020. Ils relèvent appel du jugement n° 2001801-2001802 du 26 mai 2020, qui rejette leur demande respective.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige ont été signées, " pour la préfète du Bas-Rhin et par délégation ", par Mme F... C..., directrice des migrations et de l'intégration. Or, par un arrêté en date du 3 février 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Bas-Rhin a consenti à l'intéressée une délégation de signature à l'effet notamment de signer tous les actes et décisions relevant des attributions dévolues à la direction des migrations et de l'intégration, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire des décisions en litiges manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. ". Contrairement aux allégations aux requérants, les décisions en litige, qui énoncent, dans leurs visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En troisième lieu, il ne ressort, ni des motifs des décisions en litige, ni des autres pièces des dossiers, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. et de Mme G.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme G... ne sont arrivés sur le territoire français, en dernier lieu, que les 16 et 20 octobre 2018, à l'âge respectivement de quarante-sept et quarante-cinq ans. Ils ne justifient pas de leurs attaches familiales ou personnelles en France, ni de leur intégration dans la société française. Les requérants n'établissent pas davantage être isolés dans leur pays d'origine. Les circonstances que M. G... soit bénéficiaire d'une promesse d'embauche datée du 22 juin 2020 en qualité de crépisseur, que Mme G... suive depuis le 4 janvier 2019 un atelier d'apprentissage de la langue française et que leur fille mineure soit scolarisée en classe de maternelle ne suffisent pas à conférer aux intéressés un droit au séjour. Enfin, il n'est pas démontré que M. et Mme G..., qui font tous deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, seraient dans l'impossibilité de reconstituer leur cellule familiale en Géorgie. Les requérants font certes valoir que leur fille majeure se trouve dans un état végétatif à la suite d'une opération en Géorgie survenue le 7 septembre 2017, qu'elle ne peut pas être déplacée, ni soignée dans son pays d'origine. Il est constant cependant que, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 août 2019, la préfète du Bas-Rhin a également rejeté, le 21 février 2020, la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée en qualité d'étranger malade, le 11 juin 2019, au motif que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de la Géorgie, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Et une telle appréciation n'est pas remise en cause, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, par les documents médicaux versés au dossier, qu'il s'agisse notamment des certificats médicaux des 7 novembre 2018, 19 mai et 10 juin 2020 établis par les médecins français de la fille aînée de M. et Mme G... ou de l'attestation du 28 juin 2018 émanant du service de neurochirurgie de la clinique universitaire du Centre des hautes technologies de médecine de Tbilissi. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions en litige sur la situation personnelle de M. et de Mme G... ne peut qu'être écarté.
9. En sixième lieu, aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
10. M. et Mme G... ne sauraient utilement se prévaloir des stipulations en cause à l'égard de leur fille aînée, qui est majeure. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur fille mineure serait dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité normale en Géorgie. Par suite, alors que les décisions en litige n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents, le moyen tiré de la méconnaissance du premier paragraphe des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut être accueilli.
11. En septième et dernier lieu, les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du second paragraphe de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre des décisions en litige, qui n'impliquent pas par elles-mêmes le retour des requérants en Géorgie.
En ce qui concerne les décisions portant fixation du pays de destination :
12. En premier lieu égard à ce qui a été dit, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
13. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
14. Si les requérants font valoir que, à la suite de leur dépôt de plainte contre la clinique dans laquelle leur fille aînée a été opérée, ils ont fait l'objet de menaces et d'intimidations de la part du propriétaire de l'établissement et du maire de Tbilissi, ils n'apportent, en dehors de leur propre récit, aucun élément permettant d'établir qu'ils risqueraient d'être exposés, en cas de retour en Géorgie, à des traitements prohibés par les stipulations et les dispositions précitées. Par suite, alors que, au demeurant, leur demande d'asile respective a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de de l'homme et des libertés fondamentales et du second alinéa de l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 21 février 2020. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme G... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à Mme A... I..., épouse G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC01343 et 20NC01344 2