Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Besançon du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2019 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans l'attente du réexamen de son droit au séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu et les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 6 août 2020, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu relève d'une cause juridique nouvelle en appel et est recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant bangladais, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations en 2017. L'intéressé s'étant présenté comme mineur isolé, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Jura, en vertu d'une ordonnance du juge des enfants du 13 avril 2018. La demande d'asile présentée par l'intéressé a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 août 2019. Alors qu'il avait pris rendez-vous le 23 septembre 2019, via la plateforme de la préfecture, pour déposer une demande de titre de séjour, le préfet du Jura a prononcé à son encontre, par un arrêté du 1er octobre 2019, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 12 décembre 2019, dont M. D... fait appel, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. M. D... soulève pour la première fois en appel, ainsi que le relève le préfet du Jura, le moyen de légalité externe tiré de la méconnaissance du principe du droit de l'Union européenne d'être entendu et de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ce moyen, qui relève d'une cause juridique nouvelle en appel dès lors que l'intéressé n'avait soulevé devant le tribunal administratif que des moyens de légalité interne et qui n'est pas d'ordre public, est irrecevable.
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : /1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".
4. M. D... soutient que la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors qu'elle est intervenue alors qu'il avait pris rendez-vous le 8 octobre 2019 pour déposer une demande de titre de séjour et qu'elle ne mentionne pas, alors que le préfet connaissait ces faits, qu'il avait été pris en charge en qualité de mineur isolé par les services de l'aide sociale à l'enfance, qu'il avait suivi des stages et entamé une formation qualifiante. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise par le préfet sur le fondement du 1° et du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la suite du rejet de la demande d'asile de l'intéressé par la Cour nationale du droit d'asile. S'il avait clairement manifesté son intention de déposer une demande de titre de séjour, cette circonstance ne s'opposait pas au prononcé d'une obligation de quitter le territoire fondé sur les motifs, non contestés par M. D..., tirés de ce qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et que sa demande d'asile avait été rejetée. Par suite, alors que le préfet n'a pas à mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation d'un demandeur de titre de séjour, les circonstances évoquées par M. D... ne sont pas de nature à révéler un défaut d'examen particulier de sa situation.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. D... fait valoir qu'il est intégré en France dès lors qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé, qu'il a des avis favorables de la structure d'accueil, et s'est engagé sérieusement dans un processus de formation professionnelle. Toutefois, si l'intéressé a entamé une formation pour l'obtention d'un CAP et que de nombreuses attestations soulignent ses qualités humaines et sa volonté d'intégration, en dépit de ses difficultés d'expression et de compréhension du français, sa présence en France était récente à la date de la décision en litige. De plus, s'il fait valoir qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, notamment qu'il n'entretient plus de liens avec son père et son frère, il n'apporte aucun élément pour l'établir. Enfin, si M. D... se prévaut de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a été placé postérieurement à ses seize ans. Dans ces conditions, nonobstant les louables efforts d'intégration de l'intéressé, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. D..., la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. M. D... reprend en appel le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et qui n'appellent aucune précision.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Jura.
N° 20NC01377 2