Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 10 juin 2020 sous le n° 20NC01220, Mme D... E... épouse F..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 2000467, 2000468 du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Ardennes du 21 janvier 2020 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas joint à l'arrêté ;
- le préfet, qui n'a pas tenu compte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne se l'est pas approprié et n'a pas vérifié que son fils peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, n'a pas procédé à un examen particulier de l'état de santé de son fils ;
- son fils ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II. Par une requête, enregistrée le 10 juin 2020 sous le n° 20NC01221, M. G... F..., représenté par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 2000467, 2000468 du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Ardennes du 21 janvier 2020 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas joint à l'arrêté ;
- le préfet, qui n'a pas tenu compte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne se l'est pas approprié et n'a pas vérifié que son fils peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, n'a pas procédé à un examen particulier de l'état de santé de son fils ;
- son fils ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 7 juillet 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, no 20NC01220 et 20NC01221, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des mêmes questions, relatives à la situation d'un couple d'étrangers. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme F..., de nationalité serbe, résidant au Kosovo, sont entrés en France le 29 décembre 2017, accompagnés de leurs trois enfants, pour y demander l'asile. A la suite du rejet de leurs demandes, ils ont sollicité leur admission au séjour en qualité de parents d'enfant malade. Par des arrêtés du 21 janvier 2020, le préfet des Ardennes a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les refus de séjour :
3. En premier lieu, les arrêtés contestés visent les textes dont ils font application, en particulier l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue le fondement des demandes de titre de séjour présentées par les requérants. Ils comportent également un énoncé des considérations de fait constituant le fondement des décisions de refus de séjour, en particulier la référence, dans les limites du secret médical, à l'avis émis le 13 décembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au sujet de l'état de santé de leur fils B.... Contrairement à ce que font valoir les requérants, il ressort des arrêtés contestés qu'ils rappellent la teneur de cet avis et que le préfet se l'est approprié. Le préfet, qui n'était nullement tenu, en outre, de joindre cet avis à ses arrêtés, ni de justifier des raisons pour lesquelles il se l'est approprié, a ainsi régulièrement motivé ses décisions de refus de séjour.
4. En deuxième lieu, l'énoncé des motifs des décisions contestées permet de vérifier que le préfet, qui contrairement à ce que font valoir les requérants, a tenu compte de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et se l'est approprié, a procédé à un examen particulier de leurs demandes d'admission au séjour. En particulier, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que les requérants lui auraient directement communiqué des éléments médicaux relatifs à leur fils, il a pu, compte tenu du secret médical, légalement procéder à cet examen s'agissant de l'état de santé de ce dernier au seul vu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Le 11° de l'article L. 313-11 du même code prévoit la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Dans son avis du 13 décembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'enfant B... F..., âgé de six ans, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'enfant peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Serbie. Cet avis, que le préfet s'est approprié, fait présumer que l'état de santé de l'enfant n'est pas de nature à justifier son admission au séjour en France. Les éléments produits par les requérants, notamment le rapport du pédiatre de la Plateforme ardennaise de diagnostic de l'autisme du 11 février 2020, qui atteste que le jeune B... présente un autisme sévère nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire, ne suffisent pas à remettre en cause cet avis. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des refus de séjour.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".
9. Dès lors que ce sont eux, et non leur fils, qui font l'objet des obligations de quitter le territoire français en litige, les requérants ne peuvent pas utilement faire valoir l'état de santé de leur fils à l'appui de leurs moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le jeune B... ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Serbie, son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des refus de séjour.
13. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Selon l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le jeune B... serait exposé au risque de subir un traitement contraire aux stipulations précitées en cas de retour dans son pays d'origine dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas établi qu'il ne pourra pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme F..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Les requêtes de M. et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F... et Mme D... E... épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
N° 20NC01220 et 20NC01221 2