Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2019, Mme B... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900380 du tribunal administratif de Besançon du 21 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 4 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2018 a été émis à l'issue d'une délibération collégiale ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations du 5° et du 7° du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... est une ressortissante algérienne, née le 6 août 1973. Elle a déclaré être entrée en France le 31 août 2014. En raison de son état de santé, elle a été mise en possession, en application des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, d'un certificat de résidence valable du 27 septembre 2016 au 26 septembre 2017, dont elle a sollicité le renouvellement. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2018, le préfet du Doubs, par un arrêté du 4 septembre 2018, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 septembre 2018. Elle relève appel du jugement n° 1900380 du 21 mai 2019 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un certificat de résidence :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. D'une part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2018, qui a été signé par trois médecins, n'aurait pas été émis à l'issue d'une délibération collégiale. Par suite, en l'absence de tout élément versé par Mme C... au soutien de ses allégations, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de renouvellement du certificat de résidence délivré à Mme C... en qualité d'étranger malade, le préfet du Doubs s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2018. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de l'Algérie où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme C... fait valoir qu'elle a souffert d'un cancer du sein ayant nécessité, le 30 juillet 2015, une mastectomie totale droite et qu'elle doit suivre pendant cinq ans une hormonothérapie avec administration de tamoxifène. Toutefois, les pièces médicales qu'elle verse au dossier, y compris l'attestation du 28 mars 2019 portant le cachet d'une pharmacie de Sétif, mais dont l'auteur ne peut être identifié, et ses allégations sur l'indisponibilité du tamoxifène dans les pharmacies algériennes, ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et à la capacité de l'étranger à voyager sans risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a épousé, le 9 décembre 2017 à Audincourt, un compatriote, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 8 juin 2028. Dans ces conditions, la requérante entrant dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial, elle ne saurait utilement se prévaloir des stipulations en cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 31 août 2014 à l'âge de quarante-et-un ans. Ayant été admise à séjourner sur le territoire français uniquement en qualité d'étranger malade, elle n'a pas vocation à y demeurer. S'il est vrai que l'intéressée a épousé un compatriote le 9 décembre 2017, elle ne peut se prévaloir, en l'absence de tout élément attestant de l'existence d'une communauté de vie antérieure au mariage, d'une union suffisamment ancienne et stable à la date d'édiction de la décision en litige. La requérante, qui n'a pas d'enfant à charge, ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine. Elle ne démontre pas davantage que son époux et elle ne pourraient pas reconstituer leur cellule familiale en Algérie, ni, inversement, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'une mesure de regroupement familial en France. Enfin, à supposer même que Mme C..., en raison de sa maladie, serait angoissée et fragile psychologiquement au point de rendre impossible toute séparation, même limitée, avec son conjoint, il n'est pas établi, ni même allégué, que celui-ci serait dans l'impossibilité de l'accompagner ou de la rejoindre sur le sol algérien et de l'assister durant l'instruction de la demande de regroupement familial. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard du pouvoir de régularisation du préfet du Doubs. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 4 septembre 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme B... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 19NC02998 2