Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, la SCI la Rose, représentée par Me Marcantoni, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1603446, 1701009 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a mise en demeure de mettre définitivement fin à la mise à disposition pour un usage d'habitation de l'appartement sis 8 rue de la Gare de Soufflenheim ;
3°) d'annuler l'acte du 26 septembre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a retenu qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de relogement de la locataire de l'appartement concerné par la mise en demeure et l'a informée de ce que le relogement serait assuré d'office, aux frais de la SCI ;
4°) de mettre à la charge du préfet du Bas-Rhin la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'acte du 26 septembre 2016 est bien décisoire et ses conclusions contre cet acte étaient donc recevables ;
S'agissant de l'arrêté du 21 avril 2016 :
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors que l'adjoint au maire de la commune de Soufflenheim a accompagné les techniciens sanitaires de l'agence régionale de santé lors de leur visite de l'appartement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dès lors qu'un logement ne peut être, par nature, impropre à l'habitation s'il dispose d'une pièce pourvue d'une ouverture vers l'extérieur ;
- il méconnaît l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et est entaché d'une erreur appréciation, dès lors que l'appartement n'est pas impropre à l'habitation ;
- l'arrêté, en ce qu'il interdit définitivement la mise à disposition à usage d'habitation de l'appartement, méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;
- la mesure d'interdiction n'est ni nécessaire, ni proportionnée, car il ne pouvait être retenu que le logement était définitivement impropre à l'habitation alors que de simples travaux pouvaient permettre de faire cesser les problèmes d'ouverture allégués.
S'agissant de l'acte du 26 septembre 2016 :
- l'acte méconnaît les dispositions de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation et est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'elle a bien satisfait à ses obligations de relogement de la locataire de l'appartement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la lettre du 26 septembre 2016 contestée n'est pas un acte décisoire faisant grief, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'annulation de cette lettre comme irrecevables ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une lettre du 22 septembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016 du préfet du Bas-Rhin.
Par une lettre du 22 septembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'il n'y plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016 du préfet du Bas-Rhin.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI la Rose, propriétaire d'un immeuble situé 8 rue de la Gare à Soufflenheim et composé de six logements, a donné l'un d'eux à bail à usage d'habitation à Mme A... Sec'h. A la suite d'une visite des lieux effectuée, le 24 novembre 2015, par des techniciens sanitaires de l'agence régionale de santé, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 21 avril 2016, mis en demeure la SCI la Rose de mettre définitivement fin à la mise à disposition pour un usage d'habitation de l'appartement situé 8 rue de la Gare à Soufflenheim dans un délai d'un mois et a également enjoint à cette SCI de l'informer ou d'informer le maire, dans le même délai, de la mise en œuvre de l'obligation de relogement de l'occupant. La SCI la Rose a, par une lettre du 13 juillet 2016, proposé à Mme A... Sec'h une offre de relogement. Par un courrier du 26 septembre 2016, le préfet du Bas-Rhin a cependant retenu que l'offre de relogement présentée à la locataire n'était pas satisfaisante, de sorte que la SCI la Rose n'avait pas satisfait à son obligation de relogement de Mme A... Sec'h. Le préfet a également informé la SCI la Rose, dans ce courrier, que le relogement de la locataire serait assuré d'office, aux frais de la SCI. La SCI la Rose fait appel du jugement nos 1603446, 1701009 du 16 janvier 2019, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes à fin d'annulation de l'arrêté du 21 avril 2016 et de l'acte du 26 septembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016 :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... Sec'h, qui louait jusque lors à la requérante le logement litigieux situé 8 rue de la Gare à Soufflenheim, est décédée en 2017, postérieurement à l'introduction de la demande n° 1701009 de la SCI la Rose devant le tribunal administratif de Strasbourg. Ce décès, survenu avant qu'il soit procédé à son relogement d'office par le préfet du Bas-Rhin, avait nécessairement pour conséquence de priver d'objet le recours formé à l'encontre de l'acte du 26 septembre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin avait retenu que la SCI la Rose n'avait pas satisfait à son obligation de relogement de Mme A... Sec'h et l'avait informée de ce que le relogement de Mme A... Sec'h serait assurée d'office, aux frais de la SCI. Le tribunal de Strasbourg a omis, dans son jugement du 16 janvier 2019, de prononcer le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de cette décision. Il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué, et d'évoquer les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016, sur lesquelles il n'y a plus lieu de statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 avril 2016 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1421-1 du code de la santé publique : " Les pharmaciens inspecteurs de santé publique, les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale, les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d'études sanitaires et les techniciens sanitaires contrôlent, dans le cadre de leurs compétences respectives, l'application des dispositions du présent code et, sauf dispositions spéciales contraires, des autres dispositions législatives et réglementaires relatives à la santé publique. / Ils peuvent recourir à toute personne qualifiée, désignée par l'autorité administrative dont ils dépendent. Cette personne peut les accompagner lors de leurs contrôles. (...) / Ils peuvent procéder à des inspections conjointes avec des agents appartenant à d'autres services de l'Etat et de ses établissements publics. (...) ".
4. Le contrôle effectué le 24 novembre 2015 dans l'appartement de la SCI la Rose a été réalisé par Mme D... et Mme B..., techniciennes sanitaires de l'agence régionale de santé. Mme C..., adjointe au maire de Soufflenheim, était également présente lors de ce contrôle sans pour autant que sa participation soit justifiée en défense. Toutefois, alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que la présence de Mme C... aurait eu un quelconque impact sur le déroulement de la visite ou sur les constats opérés, cette circonstance n'a pas été de nature à priver la requérante d'une garantie, ni à avoir eu une influence sur le sens de la décision attaquée. Le moyen tiré du vice de procédure doit par suite être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique dans leur version applicable à l'espèce : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. (...) / Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. ".
6. Une ouverture sur l'extérieur, au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, doit donner sur l'air libre et permettre une aération et un éclairement suffisants pour prévenir toute atteinte à la santé des occupants. Contrairement à ce que soutient la SCI requérante, il ne résulte ni de la lettre ni de l'objet de ces dispositions que tout local qui serait pourvu d'une ouverture sur l'extérieur devrait, par nature, être regardé comme remplissant la condition d'habitabilité posée au premier alinéa de ces dispositions.
7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le logement en cause se situe dans une maison individuelle, qui a été divisée en plusieurs appartements. Ce logement est constitué d'une pièce principale, d'une cuisine, d'une salle d'eau et de toilettes. L'entrée de l'appartement s'effectue depuis une véranda et permet d'accéder à la cuisine, seule pièce dotée de fenêtres s'ouvrant cependant non à l'air libre, mais sur la véranda. La pièce principale est, quant à elle, accessible depuis la cuisine par une ouverture de 1, 20 mètre sur 2 mètres et ne bénéficie de lumière naturelle que par ce modeste dégagement, l'éclairement étant déjà nécessairement limité par l'existence de la véranda sur laquelle donnent les fenêtres. Si la requérante joint une expertise tendant à attester que, sous certaines conditions météorologiques, l'éclairement de la pièce principale par les fenêtres de la cuisine est suffisant, le rapport d'enquêtes établi par les techniciennes sanitaires et de sécurité sanitaire de l'agence régionale de santé, ainsi que les photographies qui y sont jointes, démontrent, au contraire, que l'éclairement de la pièce principale est extrêmement faible lorsque lesdites conditions ne sont pas satisfaites et cela même par temps clair. La requérante ne saurait, à ce titre, faire valoir que le faible éclairement de la pièce principale résulterait de la présence d'un rideau occultant posé par l'occupante des lieux entre la cuisine et la pièce principale alors que les constats et photographies prises à l'occasion du contrôle ont été effectués en l'absence de ce rideau. L'éclairement naturel de la pièce principale n'est ainsi pas suffisant. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ou aurait méconnu les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique en retenant que ce local n'était par nature pas propre à l'habitation.
8. En quatrième lieu, l'arrêté litigieux met en demeure la SCI la Rose de cesser définitivement la mise à disposition du logement en cause du fait qu'il constitue un local impropre à l'habitation. Il ne saurait être regardé comme édictant une interdiction irréversible, mais seulement une interdiction d'une durée illimitée, tant qu'il n'a pas été constaté qu'il a été remédié à cette impropriété.
9. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique qu'il appartient au préfet de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation de tout local impropre par nature à l'habitation, l'interdiction de mise à disposition ne pouvant cesser avant qu'il ait été remédié à la cause d'impropriété.
10. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant l'arrêté litigieux, en tant qu'il édicterait une interdiction définitive, excédant à cet égard ce que permettent les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, doit être écarté.
11. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que le logement visé par la mesure litigieuse était par nature impropre à l'habitation, de sorte que le préfet pouvait en faire cesser la mise à disposition de manière définitive. La requérante ne peut, pour contester la nécessité et la proportionnalité de cette mesure, utilement se prévaloir de ce que des travaux de réaménagement étaient envisageables. Il appartiendra, le cas échéant, à la société requérante, après avoir réalisé des travaux de nature à corriger les problèmes d'ouvertures préalablement évoqués, de solliciter du préfet la main levée de l'interdiction qui ne saurait avoir un caractère irréversible. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux ne serait pas nécessaire et serait disproportionné doit dans ces conditions être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2016.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SCI la Rose et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1603446, 1701009 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2019 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016 du préfet du Bas-Rhin.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'acte du 26 septembre 2016 du préfet du Bas-Rhin.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la SCI la Rose est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI la Rose et au ministre des solidarités et de la santé.
N° 19NC00802 2