Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2019, M. H... A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901963 du 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont entachés d'incompétence ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que lui soit fait obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et elle est illégale en ce qu'il a droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 1er octobre 2019, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant tunisien né le 7 octobre 1980, a épousé, le 31 octobre 2013, une ressortissante française et est entré en France le 8 mai 2017 sous couvert d'un visa long séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 22 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination de son éloignement.
2. M. A... C... relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées :
3. Par un arrêté du 28 décembre 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le jour même, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à Mme G... E..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de cette direction, au nombre desquelles figurent les décisions contestées. Mme E... étant ainsi régulièrement habilitée à signer ces dernières, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :
4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... C..., qui a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de Français, a également sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet se soit prononcé sur ce fondement distinct. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ne peut qu'être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C... a résidé en France une première fois entre 2011 et 2013, pour n'y revenir qu'en mai 2017, moins de deux ans avant la décision contestée. A la suite de sa séparation d'avec son épouse, quelques mois après son retour, il est demeuré célibataire et sans enfant. S'il fait valoir la présence en France de sa soeur et de ses neveux et nièce, de nationalité française, ainsi que le soutien qu'ils lui ont apporté à la suite d'un grave accident de la circulation dont il a été victime le 9 mai 2018, il n'établit pas être dépourvu de toute attache personnelle ou familiale en Tunisie, où il a vécu jusqu'en 2011 et à nouveau de 2013 à 2017. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que son état de santé, certes altéré à la suite de son accident, et au titre duquel la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue en France, nécessiterait une aide que seule sa soeur présente en France pourrait lui apporter. Dans ces conditions, alors même qu'il a régulièrement travaillé en France, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".
10. Par un avis du 17 avril 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi à la demande de l'intéressé au titre de la protection contre l'éloignement sur le fondement des dispositions précitées, a estimé que l'état de santé de M. A... C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Alors que cet avis est de nature à faire présumer que l'état de santé de M. A... C... ne fait pas obstacle à son éloignement, aucune pièce du dossier, en particulier pas les certificats médicaux produits par l'intéressé devant le tribunal, ne permet d'en remettre en cause le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
11. En troisième lieu, les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à la décision énonçant une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté comme inopérant.
12. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 6 et 10, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement au motif qu'il remplirait les conditions requises pour la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en décidant de l'obliger à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, M. A... C... ne peut pas utilement, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce que la décision contestée implique une séparation d'avec sa soeur et ses neveux et nièce.
15. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
16. M. A... C..., qui se borne à soutenir que sa pathologie ne peut être prise en charge dans son pays d'origine sans apporter d'élément probant, n'établit pas être personnellement exposé à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Tunisie. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision méconnaîtrait les dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... C..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. H... A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC03189 2