Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2019 sous le n° 19NC03673, Mme G... D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901314 du 30 juillet 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au réexamen de sa situation, en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- compte tenu de son état de santé, le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la durée de son interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2019 sous le n° 19NC03674, M. F... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901315 du 30 juillet 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au réexamen de sa situation, en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'état de santé de son épouse ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle a pour effet de séparer son fils mineur de l'un de ses deux parents ;
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, l'interdiction de retour sur le territoire français et l'assignation à résidence sont illégaux du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Par des décisions du 19 novembre 2019, Mme D... et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public sur sa proposition de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, no 19NC03673 et 19NC03674, concernent la situation d'un couple d'étrangers et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne Mme D... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. S'il est constant que Mme D... était enceinte à la date de l'arrêté contesté, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier du certificat médical du 25 juillet 2019 dont elle se prévaut, eu égard aux termes généraux et vagues dans lesquels il est rédigé, que sa grossesse ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son état de santé faisait obstacle à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
4. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
5. Mme D... se borne à faire valoir que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque et nécessitait un suivi médical. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, alors qu'il est constant qu'elle s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 18 janvier 2018, ces affirmations ne sont pas de nature à établir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
6. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) ". Selon le huitième alinéa du III de cet article, la durée de cette interdiction de retour est décidée par l'autorité administrative " en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
7. Mme D... fait valoir qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'elle ne s'est soustraite à la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 18 janvier 2018 qu'en raison de sa fragilité psychologique résultant d'un stress post traumatique pour lequel elle bénéficie d'un traitement lourd et, qu'à la date de la décision contestée, elle était enceinte à la suite d'une procréation médicalement assistée et devait être suivie. Toutefois, le préfet ne s'est pas fondé sur la menace pour l'ordre public que représenterait sa présence en France, aucune pièce du dossier n'établit la réalité de sa fragilité psychologique alléguée et les circonstances de sa grossesse sont sans incidence sur la fixation de la durée de l'interdiction de retour. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en fixant cette durée à deux ans, le préfet a commis une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne M. A... :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Si M. A... soutient qu'il a vocation à rester avec son épouse, qui est enceinte de leur deuxième enfant, l'état de santé de cette dernière, ainsi qu'il a été dit au point 3, ne fait en tout état de cause pas obstacle à la mesure d'éloignement prise à son égard. Par conséquent, alors que M. A... ne démontre ni même n'allègue que la cellule familiale qu'il forme avec son épouse et leur premier enfant ne pourrait pas être reconstituée dans leur pays d'origine, le Kosovo, où ils ont vocation à retourner en exécution des mesures d'éloignement prises à leur encontre, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il l'a obligé à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. L'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... n'a pas pour objet de séparer son premier enfant de l'un de ses deux parents, et ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait un tel effet, dès lors que la cellule familiale peut être reconstituée au Kosovo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui accorder un délai de départ volontaire, l'interdiction de retour sur le territoire français et l'assignation à résidence sont illégaux du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme D... et M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Les requêtes de Mme G... D... et M. F... A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 19NC03673, 19NC03674 2