Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2018, Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600540 du tribunal administratif de Besançon du 21 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande du département du Doubs tendant à ce qu'elle soit expulsée de son logement de fonctions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du 21 décembre 2017 est entaché d'irrégularité, dès lors que, d'une part, le tribunal n'a pas répondu aux moyens qu'elle a soulevés en défense, d'autre part, il s'est fondé sur un moyen relevé d'office, sans l'avoir mise à même, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de présenter ses observations ;
- l'annulation par le tribunal de l'arrêté du 27 avril 2015, prononçant sa mise à la retraite d'office pour invalidité, a privé de base légale la demande d'expulsion du département du Doubs ;
- cette demande d'expulsion n'est pas fondée puisque, du fait de l'annulation par le tribunal de l'arrêté du 27 avril 2015, qui oblige l'administration à la réintégrer dans ses fonctions à la date de son éviction illégale du service et à reconstituer sa carrière, elle ne pouvait être considérée comme occupant, sans droit, ni titre, son logement de fonctions ;
- la demande d'expulsion du département du Doubs méconnaît les articles R. 2124-2 et R. 2124-73 du code général de la propriété des personnes publiques, ainsi que l'article 10 de l'arrêté du 6 décembre 2006 du président du conseil général du Doubs, portant concessions de logement pour nécessité absolue de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le département du Doubs, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 18 décembre 2018, modifiée le 4 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle et a fixé la contribution de l'Etat à 55 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a été affectée, en qualité d'attachée d'administration de l'éducation nationale, au collège " Les Hautes Vignes " de Séloncourt, à compter du 1er novembre 2006, pour y exercer les fonctions de gestionnaire. Elle a alors bénéficié, au sein de l'établissement, d'un logement de fonctions par nécessité absolue de service en application d'un arrêté du président du conseil général du Doubs du 6 décembre 2006. Entre le 8 janvier 2007 et le 7 janvier 2012, la requérante a été placée d'office en congé de longue maladie puis en congé de longue durée. Par deux avis du 9 janvier 2012 et du 7 octobre 2013, confirmés par celui du comité médical supérieur du 1er juillet 2014, le comité médical départemental du Doubs a conclu à l'inaptitude totale et définitive de la requérante à l'exercice de ses fonctions. A la suite de l'avis favorable de la commission de réforme du 19 février 2015, le recteur de l'académie de Besançon, par un arrêté du 27 avril 2015, a prononcé la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme B... à compter du 8 janvier 2012. Ayant été informé de cette mise à la retraite, le département du Doubs a mis en demeure l'intéressée, par courriers des 29 juin et 18 septembre 2015, de quitter son logement de fonctions, d'abord pour le 31 août puis pour le 15 octobre 2015, au plus tard. La requérante n'ayant pas déféré à ces demandes et se maintenant dans son logement, le département du Doubs a, le 11 avril 2016, saisi le tribunal administratif de Besançon d'une requête en expulsion dirigée contre l'intéressée. Mme B... relève appel du jugement n° 1600540 du 21 décembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Besançon a fait injonction à l'intéressée, et à tout occupant de son chef, d'évacuer le logement de fonctions en cause dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a autorisé le département du Doubs, à défaut pour l'intéressée de déférer à cette injonction dans le délai imparti, de procéder à cette évacuation avec le concours de la force publique.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, devant les premiers juges, Mme B... a contesté en défense le bien-fondé de la demande d'expulsion dont elle faisait l'objet, au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme occupant sans droit ni titre son logement de fonctions. Au soutien de son moyen, elle se prévalait de ce que l'arrêté du 27 avril 2015, par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé sa mise à la retraite d'office pour invalidité à compter du 8 janvier 2012, comporte de nombreuses illégalités externes et internes. En s'abstenant de mentionner ces différentes illégalités alléguées et d'y répondre, le tribunal administratif de Besançon, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments développés par les parties, n'a pas omis de statuer sur un moyen et, par suite, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité pour ce motif.
3. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. ". Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Besançon, saisi par le département d'une demande d'expulsion à l'encontre de Mme B..., avait à déterminer si l'intéressée devait être regardée comme occupant, sans droit, ni titre, le domaine public départemental, au vu des éléments de droit et de fait existant à la date du prononcé de son jugement. En relevant que l'annulation, par un autre jugement du même jour, de l'arrêté rectoral du 27 avril 2015 n'impliquait pas la réintégration de l'agent sur l'emploi de gestionnaire qui avait justifié l'attribution du logement de fonctions litigieux, le tribunal n'a pas procédé d'office à une substitution de base légale, mais s'est borné à prendre en considération un élément de droit existant à la date du prononcé de son jugement. Par suite, Mme B... ne saurait utilement soutenir, pour contester la régularité de ce jugement, que les premiers juges ne l'ont pas mise à même de présenter des observations en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 2124-78 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les conditions d'attribution de concessions de logement par les régions, les départements et, le cas échéant, les communes et les groupements de communes aux personnels de l'Etat employés dans les établissements publics locaux d'enseignement sont fixées par les dispositions des articles R. 216-4 à R. 216-19 du code de l'éducation. ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 216-4 du code de l'éducation ; " Les concessions de logement sont attribuées par nécessité absolue ou utilité de service, dans les conditions fixées aux articles R. 92 à R. 103 du code du domaine de l'Etat et par la présente section. ". Aux termes du troisième alinéa de l'article R. 216-18 du même code : " Lorsque la concession ou la convention d'occupation vient à expiration pour quelque cause que ce soit, le bénéficiaire doit quitter les lieux dans le délai qui lui est imparti conjointement par l'autorité académique ou l'autorité en tenant lieu et la collectivité de rattachement. " Aux termes de l'article R. 2124-73 du code général de la propriété des personnes publiques, anciennement article R. 99 du code du domaine de l'Etat : " Les concessions de logement (...) sont, dans tous les cas, accordées à titre précaire et révocable. Leur durée est limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient (...). / (...) / Lorsque les titres d'occupation viennent à expiration, pour quelque motif que ce soit, l'agent est tenu de libérer les lieux sans délai sous peine de se voir appliquer les sanctions prévues à l'article R.2124-74. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2124-74 du même code, anciennement article R. 102 du code du domaine de l'Etat : " L'occupant qui ne peut justifier d'un titre est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'expulsion. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté n° 2899 du président du conseil général du Doubs du 6 décembre 2006, portant concessions de logement par nécessité absolue de service : " Les présentes concessions sont précaires et révocables à tout moment dans les formes prévues à l'article R. 95 du code du domaine de l'Etat. / Elles (...) seront limitées à l'exercice des fonctions pour lesquelles les logements ont été octroyés. " Enfin, aux termes de l'article 10 de cet arrêté : " Le retrait du logement de fonction interviendra dans les cas suivants : (...) - perte de l'emploi justifiant l'attribution des lieux ".
5. Il résulte de l'instruction que, par un jugement n°1501121 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé, pour vice de procédure et de forme, l'arrêté du 27 avril 2015 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a prononcé la mise à la retraite pour invalidité de Mme B... à compter du 8 janvier 2012. Contrairement aux allégations de la requérante, l'annulation de cet arrêté impliquait, non pas de la réintégrer sur son poste de gestionnaire, dont l'occupation avait justifié l'attribution d'un logement de fonctions par nécessité absolue de service, mais de la replacer dans la position qu'elle occupait à la date de son éviction illégale du service et de reconstituer sa carrière. Or, à la date du 8 janvier 2012, non seulement l'intéressée avait épuisé ses droits à congé, mais elle était devenue inapte totalement et définitivement à l'exercice de toute fonction. Elle ne pouvait donc être regardée, tant à la date du jugement attaqué qu'à celle du présent arrêt, comme exerçant effectivement les fonctions pour lesquelles le logement a été concédé. Par suite, Mme B..., qui occupe sans droit, ni titre, le domaine public départemental, ne saurait utilement soutenir que la demande d'expulsion présentée par le département du Doubs à son encontre serait entachée d'un défaut de base légale, ni qu'elle serait contraire aux dispositions des articles R. 2124-72 et R. 2124-73 du code général de la propriété des personnes publiques, ainsi qu'à celles de l'article 10 de l'arrêté du 6 décembre 2006 du président du conseil général du Doubs, portant concessions de logement pour nécessité absolue de service.
6. Il résulte de tout ce que précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a enjoint à la requérante, et à tout occupant de son chef, d'évacuer son logement de fonctions dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a autorisé le département du Doubs, à défaut pour l'intéressée de déférer à cette injonction dans le délai imparti, de procéder à cette évacuation avec le concours de la force publique.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département du Doubs, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département du Doubs en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Doubs, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département du Doubs.
N° 18NC00225 2