Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 26 septembre 2019, M. F... A... B..., représenté par Me C..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 janvier 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées du fait des manquements de l'université de Lorraine à ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail de ses agents ;
2°) de condamner l'université de Lorraine à lui verser les sommes respectives de 20 000 euros et de 15 000 euros en réparation des souffrances physiques et des souffrances morales, qu'il estime avoir subies du fait des manquements de l'université de Lorraine à ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail de ses agents ;
3°) de condamner l'université de Lorraine aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail et en ne lui assurant pas des conditions de travail dignes, en adéquation avec son handicap, l'université de Lorraine a manqué à ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail de ses agents, qui découlent des dispositions de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligation des fonctionnaires, et de l'article 26 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;
- un tel manquement est constitutif d'une faute, qui engage la responsabilité de l'administration ;
- ce manquement ayant conduit à une aggravation de son état de santé, il est fondé à réclamer les sommes de 20 000 euros et de 15 000 euros au titre des souffrances physiques et des souffrances morales endurées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2018, l'université de Lorraine, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, en l'absence de critique du jugement de première instance et, subsidiairement, que les moyens invoqués par M. A... B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Recruté le 18 décembre 1996 par l'université de Lorraine, M. F... A... B... a été titularisé, le 1er janvier 1998, dans le corps des techniciens de recherche et de formation de l'éducation nationale. Affecté à la direction du numérique, il exerce les fonctions de technicien informatique de site à la sous-direction des services aux usagers du pôle lorrain de gestion. Par un courrier du 9 mai 2016, le requérant a adressé à son employeur une demande préalable d'indemnisation, qui a fait naître une décision implicite de rejet en raison du silence de l'administration. Par trois requêtes, enregistrées les 31 décembre 2016 et 12 janvier 2017, sous les numéros 1603771, 1603772 et 1700139, M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Nancy de demandes tendant à ce que l'université de Lorraine soit condamnée à lui verser la somme totale de 165 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait, d'une part, de ses conditions de travail et de l'absence de progression dans le déroulement de sa carrière, d'autre part, des agissements de harcèlement moral et de la discrimination à raison du handicap dont il s'estime victime, enfin, du refus de son employeur de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Il doit être regardé comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 janvier 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'indemnisation, à hauteur de 35 000 euros, des souffrances physiques et morales endurées du fait des manquements de l'université de Lorraine à ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail de ses agents.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'université de Lorraine :
2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. ". Aux termes de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 82-453 du 28 mai 1982, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le présent décret s'applique : (...) 2° Aux établissements publics de l'Etat autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ". Aux termes de l'article 2-1 de ce même décret : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Dans les administrations et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Enfin, aux termes de l'article 26 dudit décret : " Le médecin de prévention est habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. / (...) / Lorsque ces propositions ne sont pas agréées par l'administration, celle-ci doit motiver son refus et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit en être tenu informé. ".
3. Il appartient aux autorités administratives concernées, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet.
4. M. A... B... présente d'importantes séquelles d'une ostéoarthrite bilatérale de hanche. Atteint d'une incapacité de travail à 80 %, il est titulaire, depuis le 1er avril 1996, d'une carte d'invalidité portant la mention " station débout pénible " et a été reconnu travailleur handicapé de catégorie B à compter du 13 mai 2002. Ainsi qu'il ressort tant des certificats médicaux établis par le médecin rhumatologue de l'intéressé les 13 mars 2015 et 8 décembre 2017 que des nombreuses préconisations émises par le médecin de prévention le 1er février 1999, le 10 mars 2004, le 23 septembre 2013, le 15 juillet 2015, le 26 avril 2016 et le 15 décembre 2016, il est constant que l'état de santé du requérant nécessite un aménagement de son poste de travail, impliquant plus particulièrement un siège et une hauteur de bureau adaptés au handicap, l'occupation d'un bureau calme et accessible, comprenant au maximum deux personnes, des horaires de travail aménagés afin de permettre, si nécessaire, une prise en charge kinésithérapique, enfin, une activité professionnelle privilégiant la station assise et le recours partiel au télétravail, limitant les déplacements à pied dans les locaux et prohibant le port de charges lourdes.
5. Contrairement aux allégations de M. A... B..., il résulte de l'instruction que l'administration s'est conformée à l'ensemble des préconisations du médecin de prévention. En particulier, dans son courrier du 26 avril 2016, ce même médecin souligne la compatibilité avec l'état de santé du requérant de l'organisation matérielle de son poste de travail et de ses tâches professionnelles. De même, lors de ses entretiens professionnels au titre des années 2012-2013, 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016, l'agent s'est déclaré satisfait des aménagements d'horaires qu'il a sollicités et qui ont été validés par sa hiérarchie. Par ailleurs, M. A... B... ne démontre pas que les missions qui lui ont été confiées depuis 2004 impliqueraient de nombreux déplacements dans les locaux et seraient, en conséquence, incompatibles avec son handicap. En particulier, s'il ressort du compte-rendu de l'entretien professionnel de l'agent au titre de l'année 2016-2017 que son nouveau supérieur hiérarchique a considéré que l'objectif consistant à prendre en charge les équipements de type " chariots de portables " ou " chariots de tablettes " ne pouvait être réalisé par l'intéressé, eu égard à son état de santé, et ne devait pas être pris en compte dans l'évaluation de sa manière de servir, il ne résulte pas de l'instruction que l'accomplissement d'une telle mission, à supposer même qu'elle obligeait l'intéressé à effectuer de la manutention, impliquait, en méconnaissance des préconisations du médecin du travail, le port de charges lourdes. Enfin, s'il est vrai que M. A... B... a occupé, entre le 18 avril et le 1er septembre 2016, un bureau avec trois personnes, il n'est pas établi que le requérant, du fait de nombreux passages, aurait été dans l'impossibilité de travailler au calme, ni que cette situation aurait entraîné une dégradation de son état de santé. En outre et alors que, au demeurant, l'intéressé a été autorisé par sa hiérarchie à quitter ce bureau pour en partager un autre avec un collègue depuis le 1er septembre 2016, l'administration fait valoir, sans être contredite, que ledit bureau était directement accessible par l'ascenseur et que, eu égard à sa superficie de 40 mètres carrés, les trois agents concernés y bénéficiaient d'un environnement favorable.
6. Dans ces conditions, eu égard à ce qui ce qui vient d'être dit, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que l'université de Lorraine aurait manqué à ses obligations en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail de ses agents ni, par suite, qu'elle aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... B... la somme réclamée par l'université de Lorraine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. Enfin, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions du requérant tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'université de Lorraine ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Lorraine en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... B... et à l'université de Lorraine.
N° 18NC00884 2