Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2019, M. F... C..., représenté par la SCP Alena Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1806650 du 29 août 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au président de la région Grand Est de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en l'absence de publication de la délégation de signature habilitant le signataire de la décision, celle-ci est entachée d'incompétence ;
- la décision, qui a en réalité été prise dès le 15 juillet 2018 et doit, par conséquent, s'analyser comme un licenciement pour insuffisance professionnelle en cours de stage, est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'a pas préalablement reçu communication de son dossier individuel, ni été mis à même de l'obtenir ;
- ni les prorogations de son stage ni son licenciement ne sont justifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, la région Grand Est, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros à lui verser soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la lettre du 15 juillet 2018 informant le requérant du refus de titularisation à venir, contre laquelle il dirige en réalité ses moyens, ne constituant pas une décision lui faisant grief, ses conclusions dirigées contre cette lettre sont irrecevables car sans objet ; elles sont également irrecevables car nouvelles en appel ;
- à supposer que la lettre du 15 juillet 2018 soit regardée comme contenant une décision, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté comme irrecevable, car soulevé tardivement ;
- le moyen tiré de l'illégalité des décisions antérieures de prorogation du stage du requérant doit être écarté comme irrecevable, car soulevé tardivement ;
- aucun des autres moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2007-913 du 15 mai 2007 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par la région Grand Est le 28 novembre 2013, en qualité d'agent non-titulaire, pour exercer des fonctions de maintenance au lycée Charles Jully à Saint-Avold. A compter du 1er septembre 2016, il a été nommé en qualité de stagiaire dans le cadre d'emploi des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, et affecté dans le même établissement. Son stage a fait l'objet de deux prolongations successives d'une durée de six mois chacune à compter du 1er septembre 2017, date à laquelle il a été affecté au lycée Georges de la Tour à Metz. Par un arrêté du 28 août 2018, le président du conseil régional de la région Grand Est a refusé de le titulariser à l'issue de son stage et l'a licencié pour insuffisance professionnelle.
2. M. C... relève appel du jugement du 29 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le président du conseil régional de la région Grand Est a habilité Mme E..., directrice des ressources humaines, à signer notamment les décisions relatives au licenciement et à la radiation des cadres, a été publié au recueil des actes administratifs de la région Grand Est le 27 juillet 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 28 août 2018 serait entaché d'incompétence au motif que Mme E... n'était pas habilitée à le signer manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été, notamment, mis à même de prendre connaissance de son dossier.
5. Par ailleurs, si avant l'issue de la période de stage, la collectivité employeur ne peut prendre d'autre décision que celle de licencier son stagiaire pour insuffisance professionnelle dans les conditions limitativement définies, s'agissant de la fonction publique territoriale, à l'article 5 du décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 susvisé, elle a la faculté de mettre en garde le stagiaire afin qu'il sache, dès avant la fin de la période de stage, que sa titularisation peut être refusée si l'appréciation défavorable de l'administration sur sa manière de servir se confirme à l'issue de cette période. Elle peut également informer le stagiaire, dans un délai raisonnable avant la fin du stage, de son intention de ne pas le titulariser.
6. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 15 juillet 2018, le président du conseil régional de la région Grand Est a informé M. C... de ce qu'il prendrait la décision de ne pas le titulariser à l'issue de la seconde période de prorogation de son stage, soit le 31 août 2018, et de le licencier à compter du 1er septembre 2018. Eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé et compte tenu de son intervention dans le délai raisonnable d'un mois et demi avant la fin du stage, dont la durée totale aura été de deux ans, ce courrier doit être lu comme informant M. C... de l'intention de l'autorité territoriale de ne pas le titulariser et de le licencier à l'issue de son stage, et non, comme il le soutient, comme portant une décision de le licencier en cours de stage. Par suite, le moyen tiré de ce que la région Grand Est ne l'a pas mis à même de prendre connaissance de son dossier ne peut qu'être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que la décision de licencier M. C... à l'issue de son stage pour insuffisance professionnelle est fondée sur ses refus récurrents de respecter les ordres donnés par sa hiérarchie, ses oppositions constantes vis-à-vis de ses collègues et de son supérieur hiérarchique direct ayant pour effet une désorganisation au sein de l'équipe de maintenance, ainsi que des incidents survenus les 30 mai, 11 et 19 juin 2018, révélant des manquements à la réglementation applicable aux bâtiments de France et aux règles de sécurité relatives aux échafaudages, commis en dépit des instructions contraires qu'il avait reçues. Ces différents éléments sont corroborés par les nombreuses pièces que la région Grand Est a versées au dossier, notamment les rapports très circonstanciés sur sa manière de servir établis par le gestionnaire adjoint du lycée Georges de la Tour à Metz et par son supérieur hiérarchique direct, ainsi que par les comptes rendus des entretiens qui ont eu lieu les 11 mai et 10 juillet 2017 entre l'intéressé et l'administration du lycée Charles Jully à Saint-Avold, où il était initialement affecté. En particulier, il ressort du rapprochement de ces différents éléments que le même type de comportement que celui reproché à l'intéressé au sein du lycée Georges de la Tour à Metz avait déjà été observé au sein du lycée Charles Jully à Saint-Avold, ce qui avait justifié, à l'époque, la prolongation de son stage dans un nouvel établissement. Les diverses attestations que produit M. C..., non circonstanciées et établies en partie par des personnes n'ayant aucun lien direct avec son milieu professionnel, ne suffisent pas à infirmer les éléments apportés par la région. Par ailleurs, s'il se prévaut des évaluations favorables de son supérieur hiérarchique direct, ce dernier indique avoir fait l'objet de pressions de sa part pour obtenir des évaluations avantageuses et son comportement apparaît de nature à corroborer ces affirmations. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est fondée sur des faits matériellement inexacts, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'injonction :
8. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions du requérant tendant au prononcé d'une mesure d'injonction sont sans objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros à verser à la région Grand Est sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la région Grand Est la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Alena pour M. F... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la région Grand Est.
N° 19NC03069 2