Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me B..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802359 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2019 en tant qu'il le condamne à verser à M. F... la somme de 8 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement de première instance n'est pas signé ;
- les conclusions à fin d'indemnisation de M. F..., en tant qu'elles tendent à la réparation de son préjudice de santé, sont irrecevables au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative pour défaut de liaison du contentieux ;
- sa responsabilité n'est pas engagée, dès lors que les prétendues " heures de garde " effectuées par l'agent au titre des années 2013 et 2014 ne sont, en réalité, que des " heures d'astreinte " et, comme telles, ne peuvent être comptabilisées comme du temps de travail effectif ;
- M. F... ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de l'application de la délibération n° 52/2007 du 13 décembre 2007 ;
- la somme de 8 000 euros, qui lui a été allouée par les premiers juges, n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, M. E... F..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84653 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;
- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;
- le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et de Me D... pour M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Titulaire du grade de sergent-chef, M. E... F... est sapeur-pompier professionnel. Il exerce ses fonctions au sein du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et a bénéficié d'un logement de fonctions par nécessité absolue de service, à compter du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2015. Par un courrier du 29 décembre 2017, le requérant a sollicité, auprès de son employeur, l'indemnisation des heures de garde non rémunérées qu'il a eu à effectuer du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Cette demande préalable ayant été rejetée le 26 février 2018, M. F... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à lui verser la somme de 23 752,01 euros correspondant au paiement des heures supplémentaires de garde effectuées en 2013 et 2014, ainsi que la somme de 24 433,92 euros en réparation du préjudice, qu'il estime avoir subi du fait de l'accomplissement d'un nombre d'heures de travail supérieur au plafond annuel autorisé. Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle relève appel du jugement n° 1802359 du 15 octobre 2019, en tant qu'il le condamne à verser à l'intéressé la somme de 8 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il résulte de l'instruction que la minute du jugement de première instance contesté a été signée par la présidente de la formation de jugement, par la rapporteure et par le greffier d'audience. La circonstance que l'expédition de ce jugement, qui a été notifiée à la partie appelante, ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature dont serait entachée la minute du jugement de première instance manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
4. Aux termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
5. La personne qui a demandé à l'administration la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle lui impute est recevable à détailler ces conséquences devant le juge administratif, en invoquant, le cas échéant, des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état dans sa demande préalable, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée dans cette demande, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.
6. S'il est vrai que M. F... doit être regardé comme ayant limité ses prétentions, dans sa demande préalable adressée le 29 décembre 2017 au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, à l'indemnisation de son préjudice financier, il était recevable à solliciter, devant le tribunal, l'indemnisation de ses préjudices physiques et moraux, dès lors que de tels chefs de préjudice trouvaient leur origine dans le même fait générateur et que ses prétentions indemnitaires nouvelles demeuraient dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée dans cette demande. Par suite, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée en première instance par M. F... était irrecevable et qu'elle aurait dû être rejetée pour ce motif par les premiers juges.
En ce qui concerne la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle :
S'agissant de l'année 2013 :
7. D'une part, aux termes de l'article 1er de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail. / 2. La présente directive s'applique : a) (...) à la durée maximale hebdomadaire de travail (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : 1. "temps de travail" : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, (...) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. ". Aux termes de l'article 16 de cette même directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne ; (...) ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 17 de cette même directive : " Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii) (...) des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ; ". Aux termes de l'article 19 de cette même directive : " La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3, et à l'article 18 ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois. / (...) ".
8. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001, pris pour l'application de cet article et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ".
9. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels (...) comprend : 1. Le temps passé en intervention ; 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manoeuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation (...), et les services de sécurité ou de représentation ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale ". Aux termes de l'article 3 du même décret, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2014, du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique. / Ce temps de présence est suivi obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. / Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er ne doit pas excéder 8 heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à effectuer les interventions ". Aux termes de l'article 4 du même décret, dont les dispositions ont été abrogées au 1er janvier 2014 par le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures. ". Aux termes de l'article 5 du même décret, dont les dispositions ont été abrogées au 1er janvier 2014 par le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 : " Par dérogation à l'article 4 ci-dessus, le temps d'équivalence peut être majoré pour les sapeurs-pompiers professionnels logés (...). Il est fixé par délibération du conseil d'administration après avis du comité technique. ".
10. Le congé annuel des sapeurs-pompiers professionnels étant de cinq semaines par an, il résulte notamment des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, fixées par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que le nombre maximal d'heures de travail pour chaque période de six mois, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 1 128 heures par semestre, soit 2 256 heures par an. Si cette directive, qui n'a pas vocation à s'appliquer aux questions de rémunération, ne fait pas obstacle, pour la rémunération des gardes de 24 heures effectuées par les sapeurs-pompiers professionnels, à l'instauration d'équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comportent ces périodes de garde, l'application d'un tel dispositif ne saurait conduire, en revanche, à une inobservation des seuils et plafonds prescrits par la directive pour 1'appréciation desquels les périodes de travail doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération.
11. Or, il résulte de l'instruction que, par une délibération n° 52/2007 du 13 décembre 2007, prise en application des articles 4 et 5 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a fixé, à compter du 1er janvier 2008, à 123 gardes de 24 heures le temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés, soit 2 952 heures par an. Contrairement aux allégations du requérant, ces périodes de garde, qui font obligation à l'agent concerné de demeurer à domicile ou, à tout le moins, dans l'enceinte du centre d'incendie et de secours, de manière à effectuer un départ immédiat après alerte, restreignent très significativement la possibilité pour l'intéressé de se consacrer, au cours de la période considérée, à ses intérêts personnels et sociaux. Il en résulte que ces périodes doivent, dans leur intégralité, être considérées comme du " temps de travail ", au sens des dispositions de l'article 2 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Dans ces conditions, en imposant aux sapeurs-pompiers professionnels logés l'accomplissement de 123 gardes de 24 heures dans l'année, la délibération n° 52/2007 du 13 décembre 2007 méconnaît le plafond de 1 128 heures de travail par semestre, soit 2 256 heures par an, prescrit par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Par suite, cette illégalité fautive engage la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle au titre de l'année 2013.
S'agissant de l'année 2014 :
12. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 et applicable à compter du 1er janvier 2014 : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. / Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er n'excède pas huit heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions. / Ce temps de présence est suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013, dans sa rédaction résultant de la décision n° 375534 du Conseil d'Etat du 3 novembre 2014 : " Il est mis fin à la majoration du temps d'équivalence pour les sapeurs-pompiers professionnels logés prévue par l'article 5 du décret du 31 décembre 2001, dont les dispositions sont abrogées. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2014. ".
13. Il n'est pas contesté que, au cours de l'année 2014, le temps de travail des sapeurs-pompiers logés exerçant leurs fonctions au sein du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle était toujours encadré par la délibération n° 52/2007 du 13 décembre 2007 du conseil d'administration. Dans ces conditions, en imposant aux agents concernés l'accomplissement de 123 gardes de 24 heures dans l'année, la décision litigieuse a méconnu tant les dispositions de l'article 2 du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013, qui met fin, au 1er janvier 2014, à la majoration du temps d'équivalence pour les sapeurs-pompiers professionnels logés, que celles de l'article 3 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, applicables depuis le 1er janvier 2014, qui instaure un plafond de 1 128 heures sur chaque période de six mois pour la durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail. Par suite, ces illégalités fautives engagent la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle au titre de l'année 2014.
En ce qui concerne le paiement des heures de garde :
14. Aux termes de l'article 6-1 du décret n° 90-850 du 25 septembre 1990, portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels : " Le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels est fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours dans les limites déterminées aux articles suivants. ". Aux termes de l'article 6-7 du même décret : " En cas de dépassement d'horaire, les sapeurs-pompiers professionnels peuvent percevoir, selon leur niveau indiciaire, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires dans les conditions fixées par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ou l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires dans les conditions fixées par le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002. (...) / Les sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ou par nécessité absolue de service ne peuvent percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires. / (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " Pour l'application du présent décret (...) sont considérées comme heures supplémentaires les heures effectuées à la demande du chef de service dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail. / (...) ".
15. Un agent ne peut utilement revendiquer aucun droit à rémunération ou à indemnité autre que ceux prévus par les textes légalement applicables. Or, il résulte des dispositions précitées que les sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ou par nécessité absolue de service ne peuvent percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires. Ils ne peuvent davantage prétendre à l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires, dès lors que les heures de garde dont le paiement est sollicité n'ont pas été effectuées, à la demande du chef de service, au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Il en résulte que le dépassement des durées maximales de travail, prévues tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national, ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité, ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Par suite, M. F... ne saurait tirer des illégalités entachant de la délibération n° 52/2007 du 13 décembre 2007 du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle un droit à rémunération des heures de garde en litige au titre des années 2013 et 2014 pendant lesquelles cette délibération s'est appliquée à sa situation.
En ce qui concerne la réparation des préjudices :
16. Il résulte de l'instruction que M. F..., qui indique que les dépassements du plafond annuel des heures de travail autorisées, en 2013 et 2014, ont occasionné chez lui des troubles digestifs, de l'humeur et du sommeil, doit être regardé comme demandant à ce que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle soit condamné à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des troubles survenus dans ses conditions d'existence. Il produit un décompte d'heures de travail effectuées, qui n'est pas sérieusement contesté par le requérant, dont il ressort qu'il a effectué, au cours de la période considérée, 1 344 heures de garde supplémentaires. Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de ce que l'intéressé a librement choisi d'être logé, que son logement est mis à disposition à titre gratuit, que les charges locatives sont remboursées par le service, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de M. F... en lui allouant une somme de 5 000 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à M. F... la somme de 8 000 euros. Il y a lieu de ramener cette somme à 5 000 euros et de réformer en ce sens le jugement de première instance.
Sur les frais de justice :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le requérant en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 8 000 euros que le service départemental d'incendie et de secours a été condamné à verser à M. F..., par le jugement n° 1802359 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2019, est ramenée à 5 000 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1802359 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et à Me D... pour M. E... F... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente de la chambre,
- M. Rees, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le rapporteur,
Signé : E. C...
La présidente,
Signé : S. A...
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 19NC03601 2