Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2020, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 20 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les dispositions des 7° et 11° des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les juges de première instance ont méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 5 novembre 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant arménien, est entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants, pour solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 septembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 mai 2019. Par l'arrêté du 5 juillet 2019, pris sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 20 septembre 2019, dont M. D... fait appel, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 5114 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 5111 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 5114 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 31323 et R. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 5114 ou au 5° de l'article L. 5213 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...) Dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite ".
3. M. D..., qui souffre d'une insuffisance rénale pour laquelle il bénéficiait, depuis 2017, d'hémodialyses à raison de trois séances par semaine, fait valoir que les médicaments nécessaires à son état de santé n'étant pas disponibles en Arménie, il ne pourra pas y bénéficier d'un traitement effectif. Toutefois, s'il est vrai que, selon un certificat du ministère de la santé de la République d'Arménie, l'ensemble des médicaments prescrits à l'intéressé n'y est plus commercialisé depuis le 1er janvier 2015, ce seul document ne permet pas d'établir l'absence d'autres médicaments équivalents dans ce pays et que des traitements adaptés à l'état de santé du requérant n'y seraient pas disponibles, alors que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 21 janvier 2019, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. L'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que cette appréciation ne serait pas pertinente, alors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu qu'entre la date de cet avis et la décision en litige, le traitement médicamenteux nécessaire à son état de santé aurait évolué. En outre, il ressort des éléments produits par l'ambassade de France en Arménie que la dialyse et même la transplantation rénale, qui était préconisée à la date de la décision en litige et qui, d'ailleurs, a été réalisée le 10 juillet 2019, y sont pratiqués. Si les certificats médicaux du 29 juillet 2019 et du 22 janvier 2020 mentionnent notamment que le greffon, transplanté le 10 juillet 2019, ne fonctionne pas de manière optimale et que l'état du requérant nécessite une surveillance médicale, ces circonstances, postérieures à la décision en litige, sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. La décision en litige, qui a été prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas pour objet de refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. D.... Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 et L. 313-14 du CESEDA ne peuvent pas être utilement invoqués par M. D... à l'encontre de la décision en litige.
5. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
6. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée, par voie de conséquence, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. A... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC00375 2