Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2020, M. D... A..., représenté par la SELARL Aequae, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901889 du 28 janvier 2020 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision n'est pas suffisamment motivée en ce qu'elle ne comporte aucune précision sur son activité professionnelle, ne mentionne pas la liste des métiers ouverts aux ressortissant sénégalais issue de l'annexe IV de l'avenant à l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé à Dakar le 23 septembre 2006, et ne fait pas état de sa situation personnelle et familiale ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée, en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en faisant application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans s'être préalablement fondé sur les stipulations de l'article 42 de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et sans se référer à la liste des métiers ouverts aux ressortissants sénégalais annexée à cet accord ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 42 de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé à Dakar le 23 septembre 2006 et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en omettant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet s'est cru tenu de l'obliger à quitter le territoire français et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me E... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité du refus de séjour :
1. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte, conformément aux dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, un énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision de refus de séjour. Le préfet, auquel ces dispositions n'imposaient pas de faire état, en outre, et de manière exhaustive, de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, a ainsi régulièrement motivé sa décision.
2. En deuxième lieu, la circonstance que l'accord du 23 septembre 2006 susvisé ne soit pas mentionné dans les visas de l'arrêté contesté est sans incidence sur sa légalité.
3. En troisième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 susvisé, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail. / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".
4. Ces stipulations renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code. Par conséquent, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en faisant directement application de ces dispositions, sur le fondement desquelles M. A..., ressortissant sénégalais, a présenté sa demande de titre de séjour.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
6. D'une part, M. A... déclarant être entré en France le 23 novembre 2009, moins de dix ans avant que ne soit pris l'arrêté contesté du 4 octobre 2019, le préfet n'était, en tout état de cause, pas tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.
7. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. A... ait fait valoir, auprès du préfet, qui le mentionne dans son arrêté, d'autres éléments que la présence régulière en France de sa soeur. Cet élément ne saurait, à lui seul, suffire à caractériser un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées. Si M. A... se prévaut, en outre, de l'ancienneté de son séjour en France, de son intégration dans la société française, de son activité professionnelle et de ses perspectives professionnelles, ces différents éléments, même pris ensemble, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature, au sens des dispositions précitées, à justifier son admission au séjour. Dans ces conditions, et alors même que sa présence en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne justifiait pas son admission au séjour à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions précitées.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1984 et entré en France, selon ses déclarations, en novembre 2009, fait valoir l'ancienneté de son séjour sur le territoire national, ainsi que la présence de sa soeur et de ses cinq neveux et nièces, avec lesquels il indique vivre depuis son arrivée. Il ajoute qu'il assiste sa soeur, mère célibataire, notamment dans l'éducation et l'entretien de ses neveux et nièces, lesquels le regardent comme une figure paternelle. Toutefois, ses allégations quant à l'ancienneté de cette situation et de ces relations sont contredites par les pièces du dossier, en particulier les adresses figurant sur les éléments qu'il produit, dont il ressort qu'il n'habite avec sa soeur et ses neveux et nièces à Montbéliard que depuis le mois d'avril 2018, après avoir jusqu'alors résidé dans plusieurs départements de la région parisienne. Les attestations de ses neveux et nièces, de sa soeur, et de l'ex-époux de cette dernière, peu circonstanciées et qu'aucun élément du dossier ne permet de corroborer, ne permettent pas d'établir qu'ils entretenaient des relations avant qu'il ne s'installe à Montbéliard auprès d'eux. Par ailleurs, M. A..., célibataire et sans enfant, ne se prévaut d'aucune autre attache personnelle ou familiale en France et n'allègue pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour en France, dont il justifie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
10. En sixième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a envisagé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, ainsi qu'il ressort des énonciations de l'arrêté contesté, écartant expressément cette possibilité. Par ailleurs et pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 7 et 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de procéder à la régularisation du séjour de l'intéressé.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru tenu d'obliger M. A... à quitter le territoire français du seul fait qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ni qu'il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de décider de son éloignement.
13. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 9 et 10, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision relative au délai de départ volontaire :
14. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui est accordé est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Aquae pour M. D... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC00513 2