Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2020, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 23 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle comporte une motivation stéréotypée qui ne fait pas ressortir un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnait l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien, déclarant être né le 12 septembre 2001, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en mars 2018. Par un jugement du 28 septembre 2018, le juge des enfants a décidé de le placer auprès de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité. Le 2 septembre 2019, l'intéressé a sollicité un titre de séjour à titre exceptionnel en sa qualité d'étranger mineur non accompagné confié à l'aide sociale à l'enfance après l'âge de 16 ans. Par un arrêté du 18 novembre 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 23 mars 2020, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée, qui vise les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation de M. C.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, les motifs de la décision contestée établissent que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., après avoir intégré, pour l'année scolaire 2018/2019, l'unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants au lycée Edouard Herriot et avoir obtenu, en juin de l'année 2019, un diplôme d'études en langue française, s'est inscrit, en septembre 2019, en première année de certificat d'aptitude professionnelle " peintre - applicateur de revêtement " au lycée Lombards à Troyes. Si l'intéressé se prévaut de son investissement scolaire et professionnel, il n'en demeure pas moins, comme l'a relevé le tribunal, qu'à la date de sa demande de titre de séjour, il suivait une formation qualifiante depuis moins de six mois. Dès lors qu'il avait constaté que l'une des conditions légales faisait défaut, le préfet de l'Aube n'avait pas à procéder à une appréciation globale de la situation de M. C.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré seul en France, en mars 2017, alors qu'il était encore mineur. Il résidait ainsi sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée. En outre, le requérant n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, notamment l'absence alléguée de contacts avec ses parents. Si l'intéressé s'est investi dans sa formation qualifiante, notamment par l'accomplissement de stages, et bénévolement au sein d'une association, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir son intégration dans la société française. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. C..., le préfet de l'Aube n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être également écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. L'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée, par voie de conséquence, ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 18 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. D... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
N° 20NC00971 2