Mme C...D...a enfin demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 octobre 2014 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN) a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement nos 1407034, 1407036 et 1506136 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 28 août 2015 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2017, Mme C...D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du 20 octobre 2014 rejetant sa demande de protection fonctionnelle, la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident puis de sa maladie, la reconnaissance d'un harcèlement moral et la réparation intégrale de son préjudice ;
2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2014 par laquelle le directeur de l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN) a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) de condamner l'EPSAN pour faute ;
4°) d'enjoindre à l'EPSAN de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
5°) de condamner l'EPSAN à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les frais de procédure sur présentation des justificatifs qu'elle présentera à l'issue de la procédure ;
6°) de condamner l'EPSAN à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices moral, financier et de carrière ;
7°) d'enjoindre à l'EPSAN de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 31 mars 2011 et l'aggravation de son état de santé au titre de la maladie professionnelle ;
8°) de mettre à la charge de l'EPSAN la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une contradiction de motifs ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation concernant l'imputabilité au service de son état ;
- le lien entre le service et sa pathologie est établi ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation concernant le harcèlement moral ;
- la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 31 mars 2011 est illégale et de nature à engager la responsabilité de l'administration ; cette décision illégale lui a causé un préjudice moral, financier et de carrière évalué à 10 000 euros ;
- le refus de lui accorder la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont elle a été victime est illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN), représenté par la Selarl CM. Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident et de la maladie dont se prévaut la requérante sont irrecevables ;
- le jugement est suffisamment motivé et démontre que le tribunal s'est fondé sur l'ensemble des pièces ;
- la réalité des faits ne permet pas d'imputer au service l'état de santé de la requérante ni un quelconque harcèlement moral ;
- les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit concernant la charge de la preuve en matière de harcèlement moral ;
- la preuve du harcèlement moral n'est pas établie ;
- le vice de procédure concernant la décision du 28 août 2015 n'est pas de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'au fond, il aurait pu prendre la même décision.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour l'établissement public de santé Alsace-Nord.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...exerce les fonctions de psychologue au sein de l'établissement public de santé Alsace-Nord (EPSAN). Le 23 mars 2012, elle a demandé au directeur de cet établissement de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident, survenu le 31 mars 2011, à la suite duquel elle a été placée en congé de maladie du 1er au 10 avril 2011 puis en congé de longue maladie du 11 avril 2011 au 10 avril 2012 et, enfin, en congé de longue durée. Par une décision du 28 août 2015, le directeur de l'EPSAN a rejeté cette demande. Par un courrier du 25 mars 2014, l'intéressée a également sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle en se prévalant du harcèlement moral qu'elle aurait subi depuis son retour de formation le 15 novembre 2010. Cette protection lui a été refusée par une décision du 20 octobre 2014. Par trois demandes distinctes, Mme D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le directeur de l'EPSAN sur sa demande du 23 mars 2012, d'autre part, d'annuler la décision explicite du 28 août 2015 rejetant sa demande de reconnaissance d'imputabilité de sa pathologie au service et de condamner l'EPSAN à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de cette décision et, enfin, d'annuler la décision du 20 octobre 2014 refusant de lui accorder la protection fonctionnelle et de condamner l'EPSAN à réparer les préjudices résultant de cette illégalité fautive. Par un jugement du 26 janvier 2017, dont il est fait appel, le tribunal a annulé la décision du 28 août 2015, enjoint au directeur de l'EPSAN de statuer à nouveau sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme D...et rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Mme D...fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé dès lors que, s'agissant de l'accident de service, le tribunal n'a pas précisé les raisons pour lesquelles l'imputabilité au service de sa pathologie ne devrait pas être retenue et n'a pas identifié de cause extérieure susceptible d'être à l'origine de sa pathologie, enfin que, s'agissant du harcèlement moral, il n'a pas évoqué certains faits dont elle s'était prévalue. Toutefois le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a mentionné l'ensemble des considérations pour lesquelles il a estimé devoir rejeter les demandes de MmeD.... Dans ces conditions, le jugement critiqué comporte une motivation suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative.
4. D'autre part, si Mme D...fait valoir que le jugement est entaché d'une contradiction de motifs, ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.
Sur la décision du 28 août 2015 :
5. L'intérêt à faire appel s'apprécie au regard du dispositif du jugement et non de ses motifs. Le jugement attaqué du 26 janvier 2017, qui annule pour vice de procédure la décision du 28 août 2015, donne entière satisfaction à MmeD.... Par suite, alors même que le tribunal, compte tenu du motif retenu, ne s'est pas prononcé sur l'imputabilité au service de la dégradation de l'état de santé de la requérante pour annuler la décision du 28 août 2015, l'EPSAN est fondé à soutenir que les conclusions d'appel présentées par Mme D... tendant à ce que la cour annule à nouveau cette décision sont irrecevables.
6. Toutefois, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.
7. En l'espèce, le tribunal administratif de Strasbourg a, eu égard au moyen de légalité externe qu'il a retenu et sans se prononcer expressément sur la légalité des autres moyens dont il était saisi, seulement enjoint à l'EPSAN de réexaminer la situation de Mme D... alors que cette dernière lui demandait d'enjoindre à l'établissement public de reconnaître l'imputabilité de son accident au service. Dans ces conditions, il appartient à la cour de rechercher si les autres moyens présentés par Mme D...peuvent justifier le prononcé de cette injonction.
8. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...)/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 42. /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. /Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...)/ 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...)". Au nombre des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite figurent notamment les maladies contractées ou aggravées en service.
9. Il résulte de l'instruction que, dans sa déclaration d'accident du travail du 23 mars 2012 et sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de son état dépressif au service, Mme D...soutenait avoir fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de ses collègues et de médecins, qui avait commencé avant son départ en congé de formation le 1er avril 2010 et s'était accentué à son retour en novembre 2010. Elle fait valoir que ce harcèlement s'est traduit par l'absence de convocation à une réunion, par le refus de sa hiérarchie de lui permettre d'accéder à la formation qu'elle sollicitait et, surtout, par le fait qu'au cours de la réunion du 31 mars 2011 au sein de l'unité fermée d'Oberlin B, le responsable de ce service lui a imposé d'assurer la psychothérapie d'un patient paranoïaque, présenté comme dangereux, et a tenu des propos anxiogènes qui l'ont profondément choquée.
10. Il résulte de plusieurs rapports d'expertise, notamment de ceux des 9 mars 2012 et 10 juin 2013 qui, même s'ils ont été sollicités par le comité médical, fournissent des indications sur l'état de santé de l'intéressée, que l'expert a relevé un état anxio-dépressif névrotique très sévère réactionnel à des difficultés professionnelles et souligné une relation de cause à effet entre les troubles psychiques de Mme D...et ses difficultés professionnelles. L'expert a également mentionné l'absence d'antécédents psychiatriques. Par ailleurs, le psychiatre qui suit Mme D...depuis avril 2011, impute, dans un certificat du 10 septembre 2012, ce syndrome à des difficultés professionnelles. De même, son médecin traitant, dans une attestation du 8 juin 2012, confirme que l'intéressée ne présentait aucun antécédent psychiatrique et que son état est lié à ce que Mme D...décrit comme une situation de harcèlement. S'il est vrai que, dans un rapport du 21 mai 2015 complété le 29 mars suivant, l'expert qui l'a examinée à la demande de l'administration en vue de la saisine de la commission de réforme, a nié que son état puisse résulter d'un accident de service et d'une maladie professionnelle en l'absence de " preuve d'un lien de cause objectif et irréfutable " entre les faits allégués et la pathologie, il a néanmoins relevé l'existence d'une souffrance professionnelle. L'EPSAN n'apporte aucun élément de nature à contredire l'ensemble des rapports circonstanciés qui établissent non seulement un lien entre les évènements vécus par la requérante dans l'exercice de ses fonctions et sa pathologie, mais aussi l'absence d'évènement extérieur à l'origine de son état. Il s'ensuit que Mme D...est fondée à soutenir que l'EPSAN a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Ce moyen de légalité interne implique nécessairement que l'EPSAN reconnaisse cette imputabilité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'EPSAN de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme D...à compter du 1er avril 2011, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur la décision du 20 octobre 2014 :
11. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " (...)/ La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...)".
12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
13. Mme D...soutient qu'avant son départ en formation, le 1er avril 2010, puis lors de son retour, six mois plus tard, elle a fait l'objet d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral de la part de ses collègues et des médecins de l'EPSAN.
14. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les deux précédentes demandes de congé de formation professionnelle pour suivre une formation dans le domaine de l'audiovisuel lui ont été refusées, en 2009, par le président de la section locale de l'association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier au motif qu'elles ne répondaient pas aux critères de priorité retenus par le comité de gestion de cet organisme. Par ailleurs, si en 2010, le chef de pôle du secteur où est affectée Mme D...a rappelé au directeur de l'EPSAN que l'absence de celle-ci durant six mois, sans aucun remplacement, serait difficilement acceptable, cette position, justifiée par l'intérêt du service, n'excède pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Au demeurant, en dépit de cet avis, la requérante a été en mesure de suivre sa formation à compter du 1er avril 2010. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que Mme D...n'a pas été avisée d'une réunion qui s'est tenue le 9 mars 2010, le chef de pôle l'a informée que cette omission, au demeurant unique, constituait simplement un oubli du secrétariat et lui a confirmé qu'elle était conviée à cette réunion. Si Mme D...fait encore valoir que personne ne lui a adressé la parole lors de cette réunion, elle n'apporte aucun élément pour l'établir. Ainsi, ces éléments ne sont pas de nature à faire présumer des agissements constitutifs d'un harcèlement moral antérieurement au 15 novembre 2010, date à laquelle l'intéressée a repris le service à l'issue de ses congés de formation et annuels.
15. Si Mme D...fait également valoir qu'à la suite de sa reprise du service, soit le lundi 15 novembre 2010, elle a été victime de mesures vexatoires, de brimades et d'une mise à l'écart par ses collègues, elle ne l'établit pas. Certes, il ressort des pièces du dossier que, faute de locaux disponibles, elle a dû reporter des rendez-vous le 2 décembre 2010 et tenir compte des contraintes de ses collègues et des médecins pour fixer de nouveaux rendez-vous à ses patients. Cependant l'administration établit que l'insuffisance de bureaux impliquait, tant d'ailleurs avant qu'après la réorganisation du service, une concertation préalable entre les différents agents. En outre, compte tenu des difficultés à disposer d'un bureau dans les locaux situés Grand Rue à Saverne, le chef de pôle a indiqué à Mme D..., dans un message du 1er décembre 2010, qu'elle pouvait occuper le bureau du site d'Oberlin tous les vendredis ainsi que les lundis une semaine sur deux. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu'allègue la requérante, qu'elle aurait été chassée du bureau qu'elle occupait le 15 novembre 2010, le 23 novembre 2010 et le 30 mars 2011 de manière énergique, voire humiliante par l'une de ses collègues et un médecin. S'il est vrai que l'une de ses collègues a reconnu lui avoir dit " Francine, tu te ridiculises ", ce propos, au demeurant très mesuré, faisait suite au comportement ironique de Mme D...à son retour de congés de maladie en avril 2011.
16. Il ressort également des auditions de plusieurs agents, dans le cadre de l'enquête interne menée par l'EPSAN, que la prétendue " mise au placard " de Mme D...n'est pas établie, la charge de travail étant importante et en augmentation. La responsable du pôle a d'ailleurs indiqué que, compte tenu de la réorganisation du service, MmeD..., s'est vu confier à son retour de congé la prise en charge notamment des patients du site d'Oberlin B et des consultations ambulatoires au centre médico-psychologique de Saverne. Si la requérante soutient qu'elle a été critiquée et discréditée par un médecin devant le personnel lors d'une réunion le 25 février 2011, il ressort seulement des comptes-rendus d'audition de deux médecins, ayant assisté à cette réunion, dont le responsable de cette réunion mis en cause par l'intéressée, qu'elle a adopté un comportement inapproprié et tenu des propos inadmissibles à l'égard du médecin conduisant la réunion.
17. Mme D...n'établit pas davantage, par la seule circonstance qu'elle a été placée en arrêt de maladie à compter du 1er avril 2011, que lors de la réunion du 31 mars 2011, le responsable de l'unité d'Oberlin B lui a imposé de réaliser une psychothérapie pour deux patients hospitalisés d'office considérés dangereux et que ce responsable aurait, à cette occasion, tenu des propos anxiogènes, sous-entendant qu'elle risquait d'être prise à partie par l'un de ces patients alors que ce médecin et une autre personne, ayant participé à cette réunion, contestent ses allégations. Ils ont d'ailleurs indiqué que ces patients, sur le point de sortir, ne présentaient aucune dangerosité.
18. Enfin, si Mme D...se prévaut de l'illégalité du refus d'imputer son état de santé au service et en particulier à l'incident du 31 mars 2011, de l'illégalité du retrait, le 19 août 2014, de la décision du 15 octobre 2012 refusant de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service et, enfin, de l'illégalité du refus de prendre une nouvelle décision sur ce point dans l'attente de l'avis de la commission de réforme, ces éléments, dont certains sont postérieurs à la demande de protection fonctionnelle, n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
19. Dans ces conditions, Mme D...ne saurait être regardée comme ayant été victime d'agissements répétés constitutifs d'un harcèlement moral postérieurement au 15 novembre 2010.
20. Il s'ensuit, ainsi que l'a jugé le tribunal sans inverser la charge de la preuve, qu'en l'absence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral, le directeur de l'EPSAN n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant d'accorder la protection fonctionnelle à MmeD....
Sur les conclusions indemnitaires :
21. Mme D...a demandé au tribunal l'indemnisation des préjudices résultant de la faute que l'EPSAN a commise en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 31 mars 2011 et, plus globalement, de la dégradation de son état de santé qu'elle impute à la situation de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime. Par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions au motif que si l'illégalité de la décision du 28 août 2015, entachée d'un vice de procédure tenant à la composition irrégulière de la commission de réforme, notamment à l'absence de médecins spécialistes des maladies mentales, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'EPSAN, il ne résulte pas de l'instruction que cet établissement aurait dû regarder sa pathologie comme imputable au service.
22. S'il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 19 que le harcèlement moral dont se prévaut Mme D...n'est pas établi, elle est, en revanche, fondée à soutenir, ainsi qu'il est exposé au point 10, que l'EPSAN a commis une faute en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. Mme D...peut dès lors prétendre à l'indemnisation des préjudices qui sont la conséquence directe et certaine de cette décision illégale.
23. Mme D...fait valoir qu'elle a subi un préjudice moral, financier et de carrière dès lors qu'elle a été placée à demi-traitement à compter du 10 avril 2014, qu'elle n'a pu reprendre son activité professionnelle et bénéficier d'une promotion au grade de psychologue hors-classe en janvier 2014. Toutefois, la réalité du préjudice financier n'est pas établie dès lors que, du fait de la reconnaissance de l'imputabilité au service de son état de santé, elle bénéficiera rétroactivement d'un plein traitement. Elle n'établit pas davantage que le préjudice de carrière allégué serait consécutif à la décision illégale du 28 août 2015. En revanche, il résulte de l'instruction que la décision refusant de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service a participé à la dégradation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral en lui accordant la somme de 2 000 euros.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire tendant à la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 28 août 2015 et ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EPSAN de reconnaître l'imputabilité de sa pathologie au service.
Sur les dépens :
25. La présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme D...doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EPSAN demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPSAN une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D...dans le cadre de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : L'EPSAN est condamné à verser à Mme D...une somme de 2 000 (deux milles) euros.
Article 2 : Il est enjoint à l'EPSAN de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme D...à compter du 1er avril 2011 dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'EPSAN versera à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par l'EPSAN sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et à l'établissement public de santé Alsace-Nord.
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N° 17NC00747