I. Par une requête, enregistrée le 24 février 2018 sous le n° 18NC00498, M. A...B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 que le préfet du Haut-Rhin a pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire a été prise par une autorité incompétente ;
- l'obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;
- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire, le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
II. Par une requête, enregistrée le 24 février 2018 sous le n° 18NC00500, Mme C...E...épouseB..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 que le préfet du Haut-Rhin a pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Elle invoque les mêmes moyens que ceux exposés par son époux dans la requête enregistrée sous le n° 18NC00498.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes n° 18NC00498 et 18NC00500 sont dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants albanais nés respectivement en 1969 et 1983, déclarent être entrés en France au mois de juillet 2016 pour y solliciter l'asile ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 décembre 2016 confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 1er septembre 2017 ; qu'à la suite de ces décisions et par deux arrêtés du 29 septembre 2017, le préfet du Haut-Rhin les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 6 décembre 2017, par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire :
3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 20 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 21 septembre 2016, le préfet du Haut-Rhin a donné à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'État dans le département du Haut-Rhin, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses auraient été signées par une autorité incompétente doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions litigieuses comportent les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivées ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que M. et Mme B...font valoir qu'ils sont bien intégrés en France et que leurs deux enfants y sont scolarisés ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée du séjour des intéressés sur le territoire national et alors que ces derniers n'établissent ni être isolés dans leur pays d'origine, où ils ont vécu la majeure partie de leur vie, ni que leur cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire hors du territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions litigieuses ont porté au droit de M. et Mme B...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire prises à l'encontre de M. et MmeB..., qui n'emportent pas, par elles-mêmes, l'éloignement des intéressés à destination de l'Albanie ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
8. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que M. et Mme B...font valoir qu'ils ont été victimes de persécutions en Albanie en raison de leur appartenance à la minorité des Jevgs ; qu'ils indiquent notamment que leurs deux enfants ont été victimes d'agressions de la part d'un camarade de classe dont le père est policier et que ce dernier les aurait à son tour menacés ; que, toutefois, les éléments produits par les intéressés au soutien de leurs allégations ne permettent pas de considérer comme établi qu'ils encourent effectivement personnellement des risques en cas de retour dans leur pays ; que les requérants n'établissent notamment pas qu'ils ne pourraient pas bénéficier de la protection des autorités nationales ; qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'OFPRA en date du 30 décembre 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 1er septembre 2017 ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions fixant le pays à destination duquel M. et Mme B...pourront être éloignés seraient intervenues en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Mme C...E...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Marino, président de chambre,
- M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,
- Mme Haudier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
Le rapporteur,
Signé : G. HAUDIERLe président,
Signé : Y. MARINO
Le greffier,
Signé : V. CHEVRIER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
V. CHEVRIER
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N° 18NC00498 et 18NC00500