Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016, le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...E...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. E...le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de même montant, sur le même fondement, au titre de l'instance engagée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- M. E...n'a droit à aucun congé au titre de la réduction du temps de travail dès lors qu'il n'a pas effectué d'heures de travail supplémentaires au regard de ses obligations de service ;
- il ne peut obtenir l'indemnisation des jours de congés qu'il aurait accumulés au titre de la réduction du temps de travail en l'absence de toute demande de sa part tendant à l'ouverture d'un compte épargne temps ;
- ce motif devra être substitué à celui sur lequel s'est fondée l'administration, dans l'hypothèse où la cour le jugerait illégal ;
- M. E...n'a jamais justifié des jours de congés litigieux ;
- il ne peut, en tout état de cause, obtenir le bénéfice de ces congés pour la période antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2003-769 du 1er août 2003 ;
- les dispositions invoquées par l'intéressé ne lui ouvrent aucun droit au bénéfice d'une indemnité compensatrice pour les congés non pris.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2016, M. A... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par l'établissement requérant ne sont pas fondés et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de même montant au titre des frais exposés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2002-1358 du 18 novembre 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines.
1. Considérant que M. E...a été recruté par le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines à compter du 14 octobre 2002 en qualité de praticien attaché en médecine générale, dans le cadre d'un service fixé à cinq demi-journées hebdomadaires ; que son contrat à durée déterminée a été reconduit par plusieurs avenants jusqu'au 20 décembre 2013, date de sa mise à la retraite ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 4 avril 2013, M. E...a demandé au directeur du centre hospitalier le bénéfice des congés qu'il estime lui être dus au titre de la réduction du temps de travail ; que cette demande a été rejetée par une décision du 13 mai 2013 ; que le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines demande l'annulation du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et lui a enjoint de rétablir M. E...dans ses droits au bénéfice des jours de congés au titre de la réduction du temps de travail ou, le cas échéant, d'en assurer l'indemnisation ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 6152-606 du code de la santé publique : " Pour un praticien exerçant à temps plein, le service hebdomadaire est fixé à dix demi-journées hebdomadaires sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Le travail effectué la nuit est compté pour deux demi-journées. Lorsque le praticien exerce son activité à temps partiel, la limite horaire de ses obligations de service est définie, sur la base de quarante-huit heures, au prorata des demi-journées inscrites au contrat. / (...) Lorsque le praticien exerce à temps partiel, son obligation de service hebdomadaire ne peut excéder une durée définie, sur la base de quarante-huit heures, au prorata des demi-journées d'obligations de service hebdomadaire définies au contrat. / Les praticiens attachés dont le contrat prévoit une quotité de travail d'au moins cinq demi-journées peuvent accomplir, sur la base du volontariat au-delà de leurs obligations de service hebdomadaires, un temps additionnel donnant lieu soit à récupération, soit à indemnisation, dans les conditions prévues à la présente section. Toutefois, le nombre de périodes additionnelles effectuées et décomptées sur une période de quatre mois ne peut conduire à une augmentation de la quotité de travail du praticien concerné de plus de 40 % (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-613 du même code : " Les praticiens attachés ont droit : (...) 2° A un congé au titre de la réduction du temps de travail, dont la durée est définie au prorata des obligations de service hebdomadaires dans les conditions définies à l'article R. 6152-801 (...) / Le directeur arrête le tableau des congés et des jours de récupération mentionnés aux 1°, 2° et 3° après avis du responsable de la structure et en informe la commission médicale d'établissement. / Durant ces congés et jours de récupération, les intéressés continuent à percevoir les émoluments correspondant à leurs obligations de service (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-801 de ce code : " Les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologistes, régis par les dispositions des sections 1 à 6 du présent chapitre bénéficient d'une réduction annuelle de leur temps de travail de 20 jours. / Lorsque les fonctions ne sont pas assurées à temps plein, le nombre de jours alloués est réduit proportionnellement à la durée d'activité des personnels intéressés (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les praticiens attachés bénéficient d'un congé au titre de la réduction du temps de travail dont la durée, fixée à vingt jours par an pour les praticiens exerçant leurs fonctions à temps plein à raison de dix demi-journées hebdomadaires, est réduite proportionnellement à leur durée d'activité lorsqu'ils exercent leurs fonctions à temps partiel ; que le nombre de jours de congés au titre de la réduction du temps de travail est déterminé au prorata des seules obligations de service des praticiens attachés, lesquels ne sont pas soumis à un régime de décompte horaire du temps de travail ;
4. Considérant qu'en sa qualité de praticien attaché assurant des obligations de service hebdomadaire correspondant à cinq demi-journées, M. E...a droit à dix jours de réduction du temps de travail par an ; qu'il s'ensuit que le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines ne pouvait légalement rejeter sa demande tendant à bénéficier de son congé au titre de la réduction du temps de travail au motif que seuls pourraient bénéficier de cette réduction les praticiens attachés effectuant des heures supplémentaires au-delà de la durée légale du temps de travail ;
5. Considérant, en second lieu, qu'en application des articles R. 6152-802, R. 6152-803 et R. 6152-804 du code de la santé publique, les praticiens attachés bénéficient d'un compte épargne-temps sur lequel ils peuvent accumuler leurs droits à congés rémunérés, incluant notamment les jours de réduction du temps de travail ; qu'aux termes de l'article R. 6152-807 du même code : " La demande d'exercice de tout ou partie du droit à congé acquis au titre du compte épargne-temps ne peut être rejetée qu'en raison des nécessités du service. / Ce refus ne peut toutefois priver l'intéressé de ses droits au bénéfice du temps épargné. En particulier, aucun refus ne peut être opposé lorsque le temps épargné est égal ou supérieur au temps de service restant à courir avant la date du départ à la retraite sans que l'utilisation des droits puisse entraîner le report de la date de cessation des fonctions (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-807-2 de ce code : " Lorsque au terme de l'année civile, le nombre de jours inscrits sur le compte épargne-temps est supérieur au seuil mentionné à l'article R. 6152-807-1, le praticien opte, pour les jours excédant ce seuil et dans les proportions qu'il souhaite : 1° Pour une indemnisation dans les conditions fixées à l'article R. 6152-807-3 ; 2° Pour un maintien sur le compte épargne-temps dans les conditions fixées à l'article R. 6152-807-4 (...) " ;
6. Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'absence de compte épargne-temps ouvert au nom de M. E...ferait obstacle à ce qu'il bénéficie de ses congés payés au titre de la réduction du temps de travail ; que, dès lors, le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines n'est pas fondé à solliciter que le motif tiré d'une absence d'ouverture de compte épargne-temps soit substitué à celui qui a été opposé à l'intéressé pour lui refuser le bénéfice de ses jours de congés ;
Sur les mesures d'exécution du jugement attaqué :
7. Considérant qu'il est constant que M. E...a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 20 décembre 2013, avant que le tribunal administratif de Strasbourg ne statue le 26 mai 2016 ; que le départ à la retraite de M. E...fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier des jours de congé qu'il estime lui être dus au titre de la réduction du temps de travail ; qu'aucune disposition ne reconnait à un praticien attaché le droit à une indemnité compensatrice de congé payé à raison des jours non pris de réduction du temps de travail, hormis le cas où les jours de congé dus à ce titre auraient été accumulés sur un compte épargne-temps dans les conditions prévues par les articles R. 6152-802 et suivants du code de la santé publique ; qu'en l'absence de compte épargne-temps sur lequel M. E...aurait pu accumuler ses jours de congé au titre de la réduction du temps de travail, il ne saurait donc obtenir une telle indemnité compensatrice ; que, dans ces conditions, s'il lui appartient, le cas échéant, de demander réparation du préjudice qui résulterait de l'impossibilité de bénéficier de ses congés rémunérés à raison d'une faute imputable à l'administration, l'annulation de la décision du 13 mai 2013 par le jugement attaqué n'implique aucune mesure d'exécution ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg lui a enjoint de rétablir M. E...dans ses droits au bénéfice des jours de congés au titre de la réduction du temps de travail ou, le cas échéant, d'en assurer l'indemnisation ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1302969 du 26 mai 2016 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines et à M. A... E....
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N° 16NC01661