Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er novembre 2017, M. F...D...et Mme A... E..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 26 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 21 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions de refus de séjour et d'éloignement sont entachées d'incompétence ;
- les décisions de refus de séjour sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour leur refuser le droit au séjour et a omis de procéder à un examen de leur situation ;
- les refus de séjour méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire ont été prises par une autorité incompétente, ne sont pas suffisamment motivées et méconnaissent le principe du contradictoire ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour leur refuser un délai de départ volontaire et n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;
- les décisions de refus de délai sont privées de base légale dès lors que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils ne présentent aucune menace pour l'ordre public, ni aucun risque de fuite ;
- les décisions fixant le pays de destination ont été prises par une autorité incompétente, méconnaissent le principe du contradictoire et ont été prises en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- ces décisions sont illégales dès lors que le risque de fuite n'est pas établi.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
M. D...et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...et MmeE..., ressortissants arméniens nés respectivement les 28 janvier 1985 et 15 avril 1992, déclarent être entrés irrégulièrement en France au cours du mois de janvier 2012, accompagnés de leur fille mineure, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Après que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), puis par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à leur encontre plusieurs décisions de refus de séjour le 10 juin 2014, le 16 octobre 2014, le 19 janvier 2015 et le 7 août 2015. M. D...et Mme E...ont de nouveau saisi le préfet de Meurthe-et-Moselle d'une demande de titre de séjour le 19 décembre 2016 en faisant état de leur situation personnelle et familiale. Par deux arrêtés du 21 juin 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer le titre de séjour demandé, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans leur accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée des mesures d'éloignement et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Les requérants relèvent appel du jugement du 26 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. D...et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 19 décembre 2017. Les conclusions susvisées sont donc devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les moyens soulevés à l'encontre des arrêtés contestés :
3. En premier lieu, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 25 août 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, donné délégation à M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Cet acte de délégation n'est ni trop général ni imprécis eu égard aux responsabilités incombant à un secrétaire général de préfecture. Par suite et contrairement à ce que soutiennent M. D...et MmeE..., M. B...avait reçu délégation pour signer les arrêtés contestés pris à leur encontre. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces arrêtés doit donc être écarté comme manquant en fait.
4. En second lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des arrêtés contestés que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par les requérants et pour refuser de leur accorder un délai de départ volontaire. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes des arrêtés litigieux que le préfet a procédé à un examen circonstancié de leur situation avant de prendre les mesures contestées à leur encontre.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions de refus de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D...et Mme E...sont entrés sur le territoire français au cours de l'année 2012, après avoir vécu dans leur pays d'origine jusqu'à l'âge de 27 et 20 ans. S'ils font état de leur participation à des cours d'apprentissage de la langue française et à des activités de bénévolat, ils ne justifient pas avoir établi le centre de leurs intérêts en France. Ils ne démontrent pas davantage être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. La circonstance que leur fille née le 21 novembre 2010 en Arménie et leur fils né le 9 avril 2014 en France soient scolarisés ne fait pas obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie. Dans ces conditions, eu égard aux conditions du séjour de M. D...et de Mme E...depuis leur arrivée sur le territoire français, les décisions contestées n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Les requérants font état de la scolarisation en France de leurs deux enfants dont le plus jeune, né en 2014, ne parle pas la langue arménienne. Ils ne justifient cependant pas, eu égard à leur jeune âge, que leurs enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Arménie, ni apprendre la langue d'origine de la famille. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit donc être écarté.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, M. D...et Mme E...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, leurs moyens tirés de ce que les décisions refusant de leur accorder un délai de départ volontaire ne sont pas suffisamment motivées et méconnaissent le principe du contradictoire. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
10. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ". Aux termes du 4) de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relatif au " départ volontaire " : " S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ". Le 7) de l'article 3 de la même directive définit le " risque de fuite " comme " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ".
11. Le législateur a estimé qu'il existait des risques que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français dans les cas énoncés par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Le législateur a ainsi retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec la directive 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer. En réservant en outre l'hypothèse de circonstances particulières, l'article L. 511-1 a entendu garantir un examen particulier de chaque situation individuelle et ne peut dès lors être regardé comme méconnaissant le principe de proportionnalité rappelé par la directive. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant un délai de départ volontaire auraient été prises sur le fondement de dispositions législatives méconnaissant les objectifs fixés par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que les deux décisions des 10 juin 2014 et 7 août 2015 refusant un titre de séjour à M. D...et Mme E...étaient assorties d'une obligation de quitter le territoire français. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a rappelé aux intéressés les termes de ses décisions par courriers, respectivement, des 4 juillet 2014 et 7 septembre 2015. Ils se sont donc soustraits à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement dont la dernière avait été prise le 7 août 2015. En l'absence de circonstances particulières, le préfet pouvait donc regarder les requérants comme présentant le risque qu'ils se soustraient à l'obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre par les arrêtés contestés. Il n'est pas établi que la situation personnelle des requérants aurait justifié l'octroi d'un délai de départ volontaire malgré le risque précité. M. D... et Mme E...ne sont donc pas fondés à soutenir que le préfet aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. M. D...et Mme E...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, leurs moyens tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination méconnaissent le principe du contradictoire et ont été prises en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les moyens tirés de ce que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées et ne sont pas justifiées par l'existence d'un risque de fuite. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. D...et de Mme E... tendant à leur admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. D...et de Mme E...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...D..., à MmeA... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02606