Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2017, Mme E...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 12 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 juillet 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;
- le préfet de la Moselle a omis de procéder à un examen réel et sérieux de sa situation avant de l'obliger à quitter le territoire français ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur de fait en estimant qu'elle était dépourvue d'attaches familiales en France ;
- les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sont illégales, par voie d'exception, à raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de garanties de représentation suffisantes ;
- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée en droit ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle a été prise à raison de l'absence de domicile stable ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Les parties ont été informées, le 10 septembre 2018, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire dès lors que ces conclusions sont nouvelles en appel, en l'absence de contestation de ladite décision devant le premier juge.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante malgache née le 12 janvier 1987, déclare être entrée en France au cours de l'année 2012, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. A la suite d'un contrôle d'identité par les services de la police aux frontières de Forbach, le préfet de la Moselle a pris à son encontre un arrêté le 28 juillet 2017 afin de l'obliger à quitter le territoire français sans lui accorder un délai de départ volontaire, à destination du pays dont elle a la nationalité et en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 12 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 15 mars 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, donné délégation à Mme D... B..., directrice du service de l'immigration et de l'intégration de la préfecture, à l'effet de signer l'ensemble des actes relevant de sa direction à l'exclusion des arrêtés prononçant l'expulsion d'un étranger en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B...avait donc compétence pour signer la décision obligeant Mme C...à quitter le territoire français.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle Mme C...avant de décider son éloignement. A cet égard, la circonstance que cette décision ne mentionne pas la présence en France d'une soeur de la requérante n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen alors que l'intéressée n'en a pas fait état dans ses déclarations à l'officier de la police aux frontières lors de son audition le 28 juillet 2017.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si Mme C...se prévaut de son entrée sur le territoire français en 2012, les pièces qu'elle produit à l'instance se rapportent pour l'essentiel à une période postérieure à l'année 2014 et n'établissent pas l'ancienneté et la stabilité de son séjour en France. Elle fait état de la présence en France de sa soeur de nationalité française sans justifier de la persistance et de l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec elle. Mme C...n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside sa mère. Elle n'apporte aucun élément de nature à établir la relation qu'elle dit entretenir avec un ressortissant français depuis deux ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de MmeC..., la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Moselle aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En dernier lieu, le préfet de la Moselle a décidé d'obliger Mme C...à quitter le territoire français sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en retenant pour motif de sa décision que l'intéressée s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa. Si le préfet de la Moselle a par ailleurs estimé que la requérante ne justifiait d'aucune attache familiale en France alors que sa soeur de nationalité française réside dans ce pays, il n'a pas décidé son éloignement en se fondant sur cette seule circonstance qu'il a seulement prise en compte dans le cadre de l'examen des conséquences éventuelles de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressée. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit au point précédent, que les attaches familiales de Mme C...en France auraient conduit le préfet à modifier son appréciation des effets de sa décision sur le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une erreur de fait ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. Si Mme C...entend demander à la cour l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, elle n'a toutefois présenté devant le tribunal administratif de Nancy aucune conclusion dirigée contre cette décision. Par suite, ces conclusions sont nouvelles en appel et doivent, dès lors, être rejetées comme irrecevables.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi et de la décision portant interdiction de retour :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C...n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour seraient entachées d'illégalité, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement serait elle-même entachée.
9. En deuxième lieu, aux termes des premier et deuxième alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ". Aux termes du huitième alinéa du III du même article : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
10. D'une part, la décision contestée se réfère expressément aux premier et huitième alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est donc suffisamment motivée en droit.
11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle a fixé la durée de l'interdiction de retour en tenant compte des quatre critères énumérés par le huitième alinéa de l'article L. 511-1. Il a ainsi estimé que Mme C... ne justifiait pas d'une présence en France depuis 2012, qu'elle disposait d'attaches familiales à Madagascar, que ses liens personnels en France n'étaient pas intenses et stables, et qu'une interdiction de retour d'une durée d'un an était justifiée alors même qu'elle ne représentait aucune menace pour l'ordre public et n'avait fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement. Le préfet pouvait également relever, sans commettre d'erreur de droit, qu'elle n'établissait pas disposer d'un domicile stable en France dès lors qu'il s'est borné à tenir compte de cette circonstance dans son examen de la nature et de l'ancienneté des liens de la requérante avec la France.
12. Enfin, Mme C...ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité des relations familiales dont elle fait état sur le territoire français. Elle n'établit pas non plus la relation qu'elle dit entretenir avec un ressortissant français depuis deux ans. La requérante n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside sa mère. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit au point 5, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Moselle ne pouvait légalement lui interdire le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC02792