Par un arrêt n° 15NC00977 du 3 mars 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.
Par une décision n° 399399 du 7 février 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2015 et des mémoires complémentaires enregistrés le 4 février 2016 et le 29 mars 2018, M. et Mme C...A..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 avril 2015 ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la plus-value litigieuse réalisée par Mme A...doit être calculée sur la base d'un prix d'acquisition de 1 500 000 euros correspondant au montant nominal des titres souscrits en 2004 lors de la constitution de la société Alsafinances, et non de 750 000 euros correspondant au montant effectivement versé en vue de leur acquisition lors de la création de la société ;
- les documents produits à l'instance, notamment le procès-verbal relatif à l'augmentation du capital, justifient des conditions dans lesquelles le capital de la société a été entièrement libéré pour un montant de 5 000 000 euros et démontrent que Mme A...est devenue propriétaire des actions acquises au sein de ce capital ;
- Mme A...n'a pas à justifier de la provenance des fonds ayant permis l'acquisition de ses actions pour un montant total de 1 500 000 euros ;
- l'enrichissement résultant pour Mme A...de ce qu'elle n'a pas remboursé le tiers ayant libéré l'intégralité du capital ne saurait être imposé sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts ;
- la documentation administrative référencée sous le n° 5 C-1-01 prévoit que le prix d'acquisition correspond au prix réel stipulé entre les parties ;
- la documentation administrative référencée sous le n° M 8-1-04 prévoit qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des modalités de paiement du prix.
Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 avril 2018, l'instruction a été close à la date du 23 mai 2018 à 16 heures.
Le ministre de l'action et des comptes publics a présenté un mémoire le 28 septembre 2018, après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M. et MmeA....
Une note en délibéré a été présentée le 23 octobre 2018 pour M. et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. Lors de la constitution de la société Alsafinances, Mme A...a souscrit, le 9 février 2004, 150 000 parts, au prix unitaire de 10 euros, sur les 500 000 parts constituant le capital de la nouvelle société. Elle n'a alors procédé qu'au versement de la somme de 750 000 euros représentant la moitié du prix d'acquisition de ses parts. La société ayant été absorbée le 28 septembre 2004 par la société Espace Production International (EPI), Mme A...a reçu en contrepartie de l'apport de ses parts 126 720 actions de la société EPI. Elle a bénéficié à cette occasion du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts. Mme A...a cédé à la société Strub, le 5 juin 2008, les 126 720 actions de la société EPI, pour un montant de 1 647 360 euros. L'administration fiscale a estimé que le montant de la plus-value de cession ainsi réalisée devait être fixé à 897 360 euros, égal à la différence entre le prix de cession de 1 647 360 euros et le prix de 750 000 euros payé par Mme A... lors de l'acquisition des 150 000 parts de la société Alsafinances. Par un jugement du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. et Mme A...tendant à obtenir la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008. La cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur appel formé contre ce jugement par un arrêt du 3 mars 2016. Par une décision du 7 février 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative " Les jugements sont motivés ".
3. M. et Mme A...contestaient devant le tribunal administratif le prix d'acquisition des parts sociales retenu par l'administration pour le calcul de la plus-value litigieuse au motif qu'il ne correspondait pas selon eux au prix effectif d'acquisition défini par les dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts. Le tribunal administratif a estimé qu'en application de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, le prix effectif d'acquisition devait être entendu comme le montant de la contrepartie que le titulaire des droits sociaux a effectivement dû fournir pour en devenir propriétaire, quelles que soient les modalités selon lesquelles ces droits sociaux sont entrés dans le patrimoine du cédant. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de préciser les travaux parlementaires utiles à l'interprétation des dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts, se sont bornés à remplir leur office et ont suffisamment motivé leur décision. Le jugement attaqué n'est donc entaché d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 et 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008 (...) ". En vertu de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) / 9. En cas de vente ultérieure de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 150-0 B, au quatrième alinéa de l'article 150 A bis en vigueur avant la publication de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) et au II de l'article 150 UB le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange (...) ". Enfin, selon l'article 1583 du code civil, la vente " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ". Il résulte de ces dispositions que le prix effectif d'acquisition, pour le calcul de la plus-value de cession, doit s'entendre du montant de l'ensemble des contreparties effectivement mises à la charge de l'acquéreur à raison de l'acquisition, quelles que soient les modalités selon lesquelles il s'acquitte de ces obligations.
5. Il est constant que, pour l'acquisition des 150 000 actions de la société Alsafinances, intervenue le 9 février 2004, Mme A...n'a versé que la somme de 750 000 euros. Si les requérants soutiennent que l'intégralité du capital, fixé à 5 000 000 d'euros, a été libéré dans les jours suivants la constitution de la société, cette circonstance ne permet pas d'établir, en l'absence notamment de tout élément sur les conditions dans lesquelles est intervenue cette libération du capital, que Mme A... aurait contracté à l'égard d'un tiers une dette susceptible de constituer une contrepartie effectivement mise à sa charge à raison de l'acquisition des actions lui revenant. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la libération alléguée de l'intégralité du capital aurait eu pour effet d'accorder à Mme A...une libéralité non imposable sur le fondement des dispositions citées au point précédent, en l'absence de tout élément sur l'intention de l'apporteur des fonds ayant permis cette libération. M. et Mme A...ne sont donc pas fondés à soutenir que le prix effectif d'acquisition des parts sociales devait être fixé à la somme de 1 500 000 euros et non à celle de 750 000 euros, retenue par l'administration pour le calcul de la plus-value litigieuse.
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
7. En premier lieu, M. et Mme A...invoquent le paragraphe 79 de la documentation administrative 5 C-1-01 publiée au bulletin officiel des impôts n° 119 du 3 juillet 2001 qui prévoit que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value " correspond au prix réel stipulé entre les parties ". Ils ne sauraient toutefois se prévaloir sur ce point d'une interprétation de la loi fiscale plus favorable que celle exposée au point 4 dès lors que Mme A...a reçu les actions de la société Alsafinances lors d'un apport à cette société et non dans le cadre d'une opération d'achat.
8. En second lieu, les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à se prévaloir de la documentation administrative M 8-1-04 publiée au bulletin officiel des impôts n° 7 du 14 janvier 2004 qui ne concerne que les plus-values réalisées lors de cessions à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. et Mme A...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 18NC00352