Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M. A...C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 12 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a respecté ni le principe du contradictoire, ni les droits de la défense ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- le préfet a méconnu l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
- le préfet a méconnu l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne pouvait pas prendre une obligation de quitter le territoire à son encontre, dès lors qu'il devait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence ;
- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée par voie de conséquence, du fait de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- et les observations de Me B...pour M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant algérien né en 1969, a déclaré être entré en France au mois d'avril 2015. Le 18 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 12 décembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. C...relève appel du jugement du 29 mars 2018, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le mémoire en défense du préfet du Bas-Rhin a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 26 février 2018, soit plus de deux semaines avant l'audience fixée le 13 mars 2018 et a été communiqué le jour même au requérant. Ce dernier a pu y répondre en temps utile et a d'ailleurs présenté deux mémoires enregistrés les 8 et 9 mars 2018. En outre, si ces deux mémoires n'ont pas été communiqués au préfet, les premiers juges les ont visés et les ont analysés et n'ont ainsi pas refusé d'en tenir compte. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif n'aurait respecté ni le principe du contradictoire, ni les droits de la défense et que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, par un arrêté du 18 octobre 2017 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 20 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Yves Séguy, secrétaire général, tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Le requérant n'établit pas que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente ne peut ainsi qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...ou qu'il se serait estimé tenu de rejeter la demande de titre de séjour présentée par ce dernier, compte tenu de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...)". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificat de résidence formées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations précitées : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. En l'espèce, par un avis du 13 octobre 2017, le collège des médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Si M. C...fait valoir qu'il souffre à la fois d'une pathologie psychiatrique et de problèmes cardiaques, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des productions du requérant que les traitements que nécessitent ces pathologies ne seraient pas disponibles en Algérie. En outre, s'il soutient qu'il n'aura pas les moyens financiers de se procurer un tel traitement, il n'apporte aucun élément sur ce point. Au demeurant il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié d'une intervention chirurgicale en Suisse dont il n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait été prise en charge par le régime d'assurances sociales de ce pays. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. C...ne démontre par aucun élément que la décision litigieuse aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, compte tenu de la durée et les conditions du séjour de l'intéressé sur le territoire national et alors qu'il n'est pas isolé en Algérie où il a vécu la majeure partie de sa vie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées en refusant de lui délivrer un certificat de résidence.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, M. C...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance, tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Strasbourg.
11. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. C...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière (...) 10° L' étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit ainsi être écarté.
14. En quatrième lieu, si un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, M. C...n'établit pas qu'il devait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence.
15. En cinquième lieu et compte tenu des circonstances mentionnées au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'obligation de quitter le territoire litigieuse le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle et familiale de M.C....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Dès lors que l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'est pas établie, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence.
17. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01341