Par un jugement nos 1702878 et 1702879 du 5 décembre 2017, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018, M. A...B...et Mme C...B..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1702878 et 1702879 du 5 décembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour, assorti d'une autorisation de travailler et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation, et de leur délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués sont suffisamment motivés en droit et en fait ; leur motivation est stéréotypée ; le préfet n'a pas procédé à un examen de leur situation ;
- le dépôt d'une demande de titre de séjour par Mme B...s'opposait à l'édiction d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas procédé à un examen de l'ensemble de la situation de Mme B...et de sa fille au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas saisi le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'a pas étudié la situation de MmeB... ;
- les arrêtés ont été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'absence d'expertise ou d'avis d'un spécialiste ne permet pas de comprendre les raisons qui ont conduit le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ils sont exposés à des risques personnels et actuels en cas de retour dans leur pays d'origine.
Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux ;
- et les observations de MeD..., pour M. et MmeB....
Le rapport de a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., ressortissants kosovars, nés respectivement en 1979 et 1983, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, en 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 février 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 juillet 2017. Par deux arrêtés du 22 septembre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. Leur recours en annulation contre ces arrêtés a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 décembre 2017, dont M. et Mme B...relèvent appel.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, les décisions attaquées, après avoir visé notamment le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelé les conditions d'entrée en France de M. et MmeB..., mentionnent que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elles précisent que leur présence en France est récente, qu'ils font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine et qu'ils n'ont pas établi encourir des risques en cas de retour au Kosovo. Elles comportent ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une motivation suffisante tant en droit qu'en fait. Si les requérants reprochent au préfet de ne pas avoir tenu compte de leurs efforts d'intégration, ils n'établissent pas qu'ils lui avaient communiqué des éléments justifiant de l'intensité de leurs liens en France. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
4. S'il est établi que Mme B...a sollicité, par un courrier du 9 août 2017, déposé en préfecture le 18 août suivant, un titre de séjour en se prévalant de son état de santé et de celui de l'une de ses filles, cette demande ne s'opposait pas, par elle-même, à ce que le préfet prenne à l'encontre des requérants une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1, dès lors qu'il est constant que leurs demandes d'asile ont été rejetées définitivement par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile, sous réserve que leur situation ne les fasse pas entrer dans la catégorie des étrangers pour lesquelles une telle mesure ne peut être prise en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, dans ce courrier du 9 août 2017, Mme B...s'est bornée à solliciter le formulaire que doit remplir son médecin traitant en vue d'une saisine pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sans fournir au préfet d'éléments précis sur les pathologies dont elle-même ou sa fille souffraient. Ainsi, à la date des décisions attaquées, le préfet ne disposait pas d'élément suffisamment précis pour lui permettre de considérer que la situation des requérants les faisait entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a examiné la situation des requérants au vu des éléments en sa possession, n'a entaché ses décisions ni d'un défaut d'examen particulier, ni d'une erreur de droit en prononçant à l'encontre de M. et Mme B...une obligation de quitter le territoire français, sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le préfet a entaché les décisions contestées d'un vice de procédure en ne consultant pas le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, que Mme B...aurait transmis à l'administration, avant l'édiction des décisions contestées, des éléments suffisamment précis et circonstanciés relatifs à son état de santé ou à celui de leur fille. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
6. En quatrième lieu, M. et Mme B...ne peuvent pas utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre des décisions les obligeant à quitter le territoire français dès lors que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est borné à prononcer à leur encontre une mesure d'éloignement à la suite du rejet de leurs demandes d'asile sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. et Mme B...font valoir qu'ils vivent en France avec leurs quatre enfants mineurs, qu'ils ont cherché à s'intégrer, notamment par la recherche d'un emploi, et que leurs enfants sont régulièrement scolarisés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'ils résidaient en France depuis moins de deux ans à la date des décisions contestées. Par ailleurs, ils ne font valoir aucun élément qui s'opposerait à la reconstitution de leur cellule familiale dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions et à la durée de leur séjour en France, les décisions attaquées n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en les obligeant à quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, dès lors que les requérants n'invoquent aucun autre argument, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
10. Si M. et Mme B...soutiennent qu'ils avaient sollicité, par un courrier du 9 août 2017, un titre de séjour pour leur fille Mjalta qui a présenté un abcès dentaire et pour Mme B...qui, souffrant d'un syndrome post-traumatique, est suivie par le centre psychothérapique de Nancy, les pièces qu'ils ont produites, notamment les attestations de l'unité d'accueil des urgences psychiatriques de l'hôpital central de Nancy, n'établissent pas que l'état de santé de Mme B...nécessiterait un traitement dont le défaut serait susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les requérants n'établissent pas davantage, par les pièces médicales qu'ils ont produites, que l'état de santé de leur fille nécessiterait des soins. Par suite, c'est à bon droit, que le magistrat désigné a écarté, sans avoir recours à une expertise médicale, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, les décisions attaquées, qui visent notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionnent que M. et Mme B...n'ont pas établi encourir un risque de traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kosovo. Elles comportent ainsi les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit dès lors être écarté.
12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme B....
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. M. et Mme B...soutiennent qu'ils risquent, en cas de retour au Kosovo, de subir des violences de la part des parents de M.B..., qui n'ont pas accepté leur mariage du fait de leur différence de religion. Toutefois, les intéressés, dont la demande d'asile a été au demeurant rejetée, ne produisent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 22 septembre 2017. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC00751